Malgré les échecs successifs de Speed Racer et de Cloud Atlas, le producteur Jeff Robinov semble toujours soutenir Lana et Andy Wachowski, au point de mettre en place avec eux un ambitieux projet de space-opera à destination du grand public. Une version simplifiée de la trilogie Matrix, qui permettrait toutefois au frère et à la soeur d'incorporer des références à la mythologie ou à la pop-culture, et de bénéficier d'un budget conséquent apte à donner corps à leurs expérimentations visuelles. Malheureusement, le remplacement de Robinov à la tête de la Warner, en pleine production, va avoir des conséquences néfastes sur le résultat final.
En effet, le je m'enfoutisme qui émane de Jupiter Ascending ne peut découler que du désintéressement soudain du studio (qui repoussera la sortie du film soit disant pour améliorer les effets visuels), comme de celui de ses créateurs, d'un coup d'un seul privés de soutien et condamnés à ployer sous les concessions. Alors qu'il était censé repousser les limites du cinéma des Wachowski, le film accuse un manque d'imagination et de maîtrise qui laisse perplexe.
Partant d'un principe plutôt sympa de pur conte de fée à la sauce spatiale, d'une volonté d'offrir du bon vieux spectacle noble et premier degré, Jupiter Ascending ressemble au final à un gloubiboulga informe, à une partouze entre Masters of the Universe, le Flash Gordon de Mike Hodges, Highlander 2 et le film Super Mario Bros. Les divers éléments ne s'accordent jamais entre eux, le récit est d'un ennui et d'un manichéisme navrant, les comédiens sont totalement en roue libre (Mila Kunis n'est jamais concernée par son rôle inintéressant il faut bien le dire de demoiselle en détresse, Channing Tatum à l'air constamment embarrassé derrière son horrible maquillage, Eddie Redmayne en fait des tonnes...), le tout n'accouchant que d'un délire kitsch pouvant cependant faire office de plaisir coupable si l'on est dans un bon jour.
Alors qu'ils parvenaient toujours à compenser les défauts de leurs oeuvres par une poignée d'expérimentations et par un sens de la mise en scène incroyable (en témoigne le montage ahurissant du mal-aimé Speed Racer), les Wachowski semblent ici absents du début à la fin. Aucun rythme, aucune inventivité même dans les rares séquences d'action, les cinéastes se contentant de faire le boulot sans trop se fouler.
Malgré des SFX plus que correctes et quelques costumes très jolis, Jupiter Ascending est un naufrage qui fait mal au coeur, tant il aurait pu donner lieu à une foisonnante relecture de Cendrillon, à un spectacle aussi poétique que palpitant. En espérant maintenant que les Wachowski sauront rebondir sur leurs pieds, peut-être par le biais d'un retour à un cinéma plus modeste et moins contraignant.