Deux options avec les Wachowskis: ça passe ou ça casse. Si j'avais été bien baffé avec Matrix, une baffe pour le scénario et une autre pour les effets spéciaux, j'avais eu le temps de me masser les joues avec le reste de leurs films. Globalement déçu jusqu'à Cloud Atlas, en fait, qui brillait tant par sa prise de risque visuelle que narrative, j'avais en tout cas retrouvé la flamme WAchowskienne. J'en étais resté impressionné, sans avoir non plus reçu le choc du premier Matrix, qui révolutionna un genre en son temps et à tous niveaux.
Mais le problème est justement qu'après avoir placé la barre si haut, il était difficile de revenir dans la course, et j'en attendais peut être trop aussi.
Pour Jupiter Ascending, j'étais plutôt parti dans l'état d'esprit propice à me laisser surprendre; c'est-à-dire sans vouloir absolument trouver un chef d'oeuvre subversif et visuel, et je ne m'attendais donc pas à plus qu'un bon divertissement, option bière / cahouètes en embuscade. Du coup, je ne suis rentré dans aucune intellectualisation du scénar ni des intentions des réalisateurs, ne m'intéressant même que de très loin à l'histoire. Concrètement, j'en étais resté au premier trailer que j'avais vu, en plus un peu par hasard. Je savais par conséquent que les Wachowski revenaient à la charge, mais c'était à peu près tout.
Voilà pour le background.
Deux petites précisions encore avant de rentrer dans le vif du sujet:
La première est que j'ai une endurance au-dessus de la moyenne dès qu'il s'agit de me confronter à un scénario dense, ce qui est le cas ici.
La seconde, c'est que j'aime les Wachowski sans les vénérer non plus. Du coup je peux me détacher sans soucis de la polémique sur le film ou sur les boots de Channing Tatum, (non mais sans déconner ???) pour me concentrer sur le film en lui-même.
Ceci étant dit, ce film est un choc.
Vous en aurez pour vos tunes si vous aimez le grand spectacle. Durant le Festival, le film était en effet projeté en avant-première ET en 3D s'il vous plaît. L'expérience était donc en mode XXL, et si par habitude on s'attend à ce que visuellement un film du tandem Wachowski défouraille correctement, là, je dois dire que je ne m'attendais pas à un tel niveau.
Çà déboite pendant presque la totalité du film, mais surtout, il y a un énorme effort d'intégration de la 3D, et je n'avais que très rarement vu ça. La 3D offre un véritable plus au film. Chaque séquence vous offre son lot de surprises et ça décoiffe. Les scènes de space opéra sont également nerveuses, et se paient même le luxe de devenir grandioses assez rapidement. Les scènes de combat sont également d'une qualité à couper le souffle, dans l'ensemble très lisibles et particulièrement bien rythmées, ce qui ne gâche rien.
Revers de la médaille, la 3D, même optimisée à fond les ballons, peut rendre quelques scènes moins lisibles que d'autres, mais cela reste marginal.
En tout cas, la technique est irréprochable et fait clairement rentrer le spectateur dans une catégorie de films que seuls de rares réalisateurs peuvent offrir à leur public, à l'instar d'un Guillermo Del Toro avec son Pacific Rim, à la fois ultra-lisibles et stylisées à mort.
Par contre c'est avec le scénario qu'il y aura des morts. Il est DENSE. Comme je l'ai dit, je n'ai pas de problème avec ça, et je l'ai apprécié, malgré le fait qu'il aurait mérité évidemment d'être beaucoup plus approfondi, et pourquoi pas sur plusieurs films. La cohérence de ce nouvel univers s'y prête bien.
Mais remettons les choses à leur juste place. Le film dure deux heures, or il n'offre pas d'ouverture évidente sur une suite. Logiquement, je trouve qu'il n'y a pas lieu de polémiquer sur sa pérennité.
Autre point, le ton utilisé pour la narration est clairement plus balisé que les films précédents films du duo. On ne cherche pas vraiment une vision à double niveau de lecture, ni à déstabiliser le spectateur avec un côté subversif. On voit plutôt une mise en scène efficace pour une histoire travaillée et cohérente.
J'apprécie donc ce film comme un "One Shot", avec ses clins d'oeils discrets à Starwars, (la scène sur Jupiter et les petites tirades discrètes) son univers crédible et son rythme hyper nerveux.
Les personnages sont hauts en couleurs et on sent même une petite pointe d'humour perler de temps en temps, ce qui surprend quand on connaît le reste de la filmographie des deux loulous. Quoi qu'il en soit, le film ne souffre d'aucun temps morts malgré la densité de l'histoire et vous colle littéralement la tête dans l'écran.
Alors si au final le résultat est certes un peu baroque compte-tenu des réalisateurs, Jupiter Ascending (je n'aime pas le titre Français) n'en reste néanmoins un excellent Blockbuster, avec une grande cohérence dans son histoire, une narration parfaitement huilée, un rythme nerveux et des scènes d'actions démentielles. Pour moi tout cela compense largement une plus grande profondeur narrative et offre simplement une orientation différente, moins intellectuelle et plus divertissante d'une certaine manière.
Pour conclure, si le film en choquera plus d'un parce qu'il ne rentre décidément dans aucun standards, il ne vous laissera pas non plus indifférent. Rien que la 3D va vous en coller une bonne derrière les oreilles, et le reste vous donnera surement à réfléchir. Nul doute donc que les Wachowskis n'ont pas dit leur dernier mot et qu'ils nous réserveront d'autres surprises comme celle-là. J'ai hâte de voir ça. Parce que j'apprécie leur vision généreuse de la SF, qu'elle soit dystopique ou non, et parce que leur leur savoir-faire est indéniable. À défaut de vous faire crier constamment au génie, il vous vous interpèle à tous les coups, et ça c'est fort.