Les Wachowski ont plutôt une place à part dans le paysage cinématographique américain. Auteurs d’un énorme succès à la fin des années 90, suivi de deux suites, d’un environnement multi-support et de revenus plutôt conséquents (largement au-delà du milliard pour la franchise), ils passent ensuite à la production avant de revenir à la réalisation avec Speed Racer puis Cloud atlas et enfin Jupiter.
Leur trajectoire est particulière, puisqu’ils occupent un créneau assez spécifique dans le cinéma « blockbuster » américain (à tel point qu’il est tout à fait discutable de les y intégrer) : le film à grand spectacle à message. Depuis Matrix en effet, les Wachowski proposent une lecture du monde, une proposition théorique, qui est abordée par plusieurs facettes suivant les films. Ca n’est pas toujours réussi, ça n’est pas toujours très fin, mais ça à le mérite d’exister.
Malheureusement, j’ai le sentiment que le message est de plus en plus grossier et naïf au fur et à mesure des films. Dans Cloud Atlas et pire encore dans Jupiter on est bien loin des réflexions et symboles de Matrix. Après, ayant toujours considéré que les références appelées dans les 2 suites de Matrix avaient été trop mal digérées par les auteurs pour être présentées proprement à l’écran, je ne devrais pas m’offusquer de la volonté de simplification. Alors l’amour et la révolution de Cloud Atlas OK. Le capitalisme c’est mal dans Jupiter, ça n’est pas possible… la scène est tellement caricaturale qu’elle m’a fait penser à la tirade splendide du couple Mayflower dans Hudson Hawk, film qui jouait sur un ton plutôt comique a priori.
Et c’est le problème assez récurrent dans Jupiter, des platitudes assénées avec un sérieux déroutant trop régulièrement dans le film pour que ça ne pose pas un petit problème. Après, le fait est que la présence d’un message politique, quel qu’il soit, dans les films de ce genre est devenu tellement rare que ça en devient une curiosité et j’ai du mal à ne pas ressentir un peu de tendresse pour la volonté derrière le film. Je trouve simplement dommage que cette part de leur cinéma soit devenue si caricaturale.
L’autre caractère marquant dans leurs films est la maestria visuelle : de Matrix à Cloud Atlas, certaines scènes coupent réellement le souffle (on ajoutera un petit bémol sur certaines rares scènes, mais qui sont concentrées dans les deux derniers Matrix). Ici, pas de surprise, les scènes d’action sont toujours moins découpées que chez les autres, parce qu’ils savent suffisamment ce qu’ils font pour pouvoir se passer d’un montage épileptique, certaines scènes sont vraiment superbes.
Reste le scénario, qui est franchement convenu, le jeu des acteurs qui est… comment dire que Channing Tatum et Mila Kunis ne sont pas les candidats naturels aux prochains Oscars ? Bref le problème de Jupiter est que les défauts sont trop nombreux pour en faire un vrai bon film, que les bonnes idées sont plutôt rares, et que finalement j’reviens vite à me dire que si le côté premier degré et sincère des Wachowski m’a toujours beaucoup plu, en particulier dans un environnement cinématographique où le cynisme, le second degré et la connivence sont omniprésents, la lourdeur du propos finit par tuer le message en le rendant passablement ridicule.