Tout comme la faune qu'il met en scène, Jupiter : Le Destin de l'Univers est un film transgène et hybride, qui revêt tous les atours du conte pour enfants, où Cendrillon, cette fois-ci, jouerait avec dextérité du Canard W.C., sans chanter, sans être aidée dans sa tâche par les animaux de la forêt. Tout cela avant de prendre un brusque virage aux allures de science fiction ébouriffée, le temps d'un dogfight - course poursuite époustouflant dans un environnement urbain et nocturne.
Et, juste après d'une halte dans un champ de maïs où des Signes se dessinent, nous voilà projetés en plein space opera, où des chasseurs et des aliens invisibles se disputent une princesse qui s'ignore. Où on parle de moisson. Elle mène la vie de château et découvre qu'elle constitue une récurrence, une réincarnation, thème du film le plus évident et cher au coeur des Wachowski. Dans un film aux allures de patchwork qui pourra en rebuter certains, voire susciter leur scepticisme. Un tel sentiment pourra peut être se comprendre dans la mesure où le seul vrai point négatif du film demeure en ce qu'il ne s'agit pas du choc tant attendu, de la méga baffe d'une telle violence qu'elle vous démonte la mâchoire et vous arrache la peau (pas grave, peut être aviez vous des boutons...).
Il ne faudra pas dès lors s'attendre à ce qu'avait réussi à susciter le choc Cloud Atlas, l'illumination du premier Matrix ou encore à la folie virtuose et colorée d'un Speed Racer. Non, mais les Wachowski nous livrent cependant un film très riche, solide et recommandable, pour peu que le spectateur soit sensible à leurs très beaux délires geek et leurs séquences d'action remplies d'images iconiques.
Les univers disparates utilisés, tant par les décors que les personnages hétéroclites qui les peuplent, montrent une cohérence étonnante une fois confrontés par les mains expertes du duo, dans ce qui s'avère finalement une aventure spatiale un peu folle culminant dans un climax dément dans un décor hallucinant de fer et de feu, le tout aux décors tout droits tirés de futuristes forges de Vulcain.
Les thématiques, elles, restent dans le sillon que les Wachowski s'efforcent de travailler dans chacune de leurs oeuvres : les notions d'élu, de renaissance et des circonvolutions temporelles se croisent et s'embrassent. Le reste est présenté en forme de satire de l'exploitation, de l'esclavage, de la consommation par les plus riches et du véritable pillage des ressources auxquels ils se livrent. A l'occasion de certains monologues, les soeurs / frères paraissent même entonner un discours en forme de marxisme, surprenant dans la forme adoptée. L'administration, enfin, sera décrite en mode Brazil, Terry Gilliam passant même dire bonjour le temps d'une séquence ubuesque. Cependant, l'impression que la trame générale relative à la moisson n'est qu'effleurée est tenace, et nourrie par les multiples allusions, dans les dialogues, à d'autres mondes. Dommage que les réalisateurs n'aient pu aller plus loin dans la l'univers qu'ils essayaient de présenter.
Côté casting, si Mila Kunis tient la vedette, c'est Channing Tatum qui se distingue, Bête moderne qui rencontre sa Belle, dans le rôle d'un Hermès futuriste qui aurait troqué ses sandales ailées contre une paire de bottes lui permettant de voler. La prestation d'Eddie Redmayne, loin d'Une Merveilleuse Histoire du Temps, fait son petit effet, tant son personnage oedipien, malade et malveillant, inquiète et semble issu des mythologiques lignées maudites.
Jupiter : Le Destin de l'Univers, n'est certes pas parfait. Superbe, nourri de décors grandioses et parfois grandiloquents, il se montrera aussi à l'occasion maladroit et simpliste, défaut tout droit issu de la forme du conte qu'il emprunte. Mais il demeure un très grand spectacle sincère, généreux et graphiquement léché. Et puis, un film où un lézard fait du catch ne peut pas, de toute façon, être mauvais.
Behind_the_Mask, Marx(iste) Brother.