Chers amis, l’instant est solennel. Ça y est, le parc est ouvert ! Après plus de dix ans d’attente, voici récompensée la patience d’un pré-ado passionné par les dinosaures qui trépignait d’attente à l’idée de la sortie d’un Jurassic Park IV, finalement devenu Jurassic World, après un long et tortueux chemin menant à sa sortie finale. A peine est-il sorti que je les vois déjà, ces critiques acerbes, taclant certains éléments du scénario : "bordel de m…, le mec il a dressé des raptors, ça commence bien tiens !" , d’autres ayant la sottise de critiquer le film comme s’il s’agissait d’un documentaire, et j’en passe. Faîtes comme moi, armez-vous de vos yeux d’enfants. Vraiment. Car même si je ne l’ai pas trouvé irréprochable, il m’a quand même bien fait plaisir ce Jurassic World. "Et voilà, il va encore dire que c’est un bon film, c’est vraiment le monde des bisounours ici" , eh oui, désolé, mais faudrait-il encore que j’aie de quoi vraiment fustiger ce bon blockbuster familial.


« Blockbuster familial ». Voici les deux mots qui permettent d’avoir la clé pour visionner, apprécier et juger correctement ce film. Tous les aficionados de la saga (et même les autres) diront à la quasi-unanimité "de toutes façons, le premier, c’est le mieux". Oui. Parce que c’était Spielberg, et surtout que c’était une vraie révolution technologique pour l’époque, en permettant de représenter les dinosaures avec un réalisme inédit dans l’histoire du cinéma. Forcément, les suivants ont perdu cet effet de surprise et, pour la majorité de l’opinion, ont pêché à cause de nombreux défauts. Cela dépend toujours de l’avis de chacun et, ayant découvert ces films très jeune, il est difficile pour moi de les regarder aujourd’hui différemment qu’avec mes yeux d’enfant de l’époque, même si j’ai la sensation que cette impression a tendance à évoluer progressivement.


Dans tous les cas, Jurassic World arrivait avec un défi de taille à relever, dans un contexte qui ne favorise pas un succès critique unanime. Tout d’abord, de 1993 à 2015, le cinéma a évolué, tout comme le regard des spectateurs. Quand à l’époque, la scène du Brachiosaure a décroché plus d’une mâchoire, aujourd’hui, voir la Terre subir un nombre incroyable de catastrophes dantesques en l’espace de deux heures provoque à peine plus d’un haussement de sourcils tant on a l’impression d’avoir déjà tout vu. Ensuite, la profusion de superproductions n’aide pas dans la percée de certains films qui le méritent, qu’ils aient un budget inférieur, ou non, car le spectateur est vite lassé et blasé. Un film comme Jurassic Park a laissé un legs spectaculaire dans le monde du cinéma, et il est difficile, aujourd’hui, de concevoir, ou de déterminer quels films seront encore cités dans vingt ans, même si on peut à peu près l’imaginer. Enfin, le film a la lourde tâche de reprendre le flambeau d’une saga mythique et de la remettre au goût du jour. Voilà donc où est jeté Jurassic World : dans une terrible fosse aux requins qui n’attendent que de se repaître de sa carcasse avant de fondre sur une autre.


Et Jurassic World a des défauts, c’est vrai. Mais au risque de vous décevoir, je ne suis pas là pour le casser, car il existe autant de raisons de le blâmer que de l’excuser. Les jaloux diront que je suis un fanboy aveugle ! Tant pis, je ne cherche pas à me justifier de toutes manières ! Et on ne peut pas me reprocher mon manque d’objectivité, dont je ferai tout de même preuve ici, bien entendu. Comme je le disais, Jurassic World est un blocbkuster familial typique, le genre de film que l’on va voir en famille parce que les dinosaures ça impressionne tout le monde, et que visuellement on s’attend à un spectacle digne de ce nom. Est-ce que Jurassic World le propose ? Tout à fait. Des dinos en pagaille, un parc monumental, on n’est pas déçu, même si la bande-annonce en montrait déjà beaucoup (trop). Les personnages sont relativement stéréotypés, mais c’est également le lot de nombreux films similaires, cela permet rapidement de susciter empathie et antipathie envers les personnages, et de s’immerger rapidement dans l’histoire.


J’ai également pu voir par-ci par-là des analyses scientifiques concernant le film et son contenu. Pour quoi faire ? Si l’on veut quelque chose à la fidélité optimale (et non pas totale car on n’est toujours sûr de rien à 100% concernant les dinosaures), on regarde un documentaire, mais certainement pas Jurassic World. C’est un pur spectacle, un divertissement, et si vous ne l’avez pas compris, ou que vous avez choisi de faire fi de cette étiquette, il est certain que vous n’avez pas apprécié le film. Le syndrome du « ce n’est pas parce que c’est un divertissement qu’il doit faire n’importe quoi » frappe encore. Je suis d’accord, ça n’excuse pas tout, je n’ai pas dit le contraire. Mais vous vous feriez du mal en gardant ça en tête face à Jurassic World.


Les gens ne comprennent pas pourquoi le grand méchant est un hybride. Cela ajoute de la nouveauté à la saga, et à mes yeux, le T-Rex ne pouvait avoir le rôle du méchant, car il s’en sortait toujours comme une sorte de héros dans les premiers opus, voire pour une triste victime dans le troisième, donc il fallait un nouveau gros vilain. Les gens sont aussi choqués par le fait qu’un homme dresse des raptors. Et pourquoi pas ? On ne peut qu’émettre des hypothèses concernant leur comportement, et il ne me paraît pas surréaliste qu’un homme les ayant quasiment élevés ne puisse avoir d’ascendant sur eux, d’autant plus qu’ils ne manquent pas de montrer à quel point la relation est faible tout au long du film. Enfin, oui, le fait que la plupart des dinosaures avaient des plumes est de plus en plus avéré, mais avouez que ça inspire moins la peur et la crainte qu’un bon vieux raptor couvert d’écailles.


Voilà pourquoi j’estime que Jurassic World n’est pas un film bas de gamme stupide, car sa démarche est claire et assumée, et il s’y inscrit parfaitement pour remplir son rôle. C’était à peu près ce que j’avais à dire pour ce qui est des arguments et contre-arguments concernant l’accueil qu’il obtient actuellement dans les salles obscures. Je vais maintenant juste me permettre de m’attarder sur quelques points qui ont pu me gêner, et je vous préviens, ça va SPOILER sans vergogne ! Vous êtes toujours là ? Bien. Alors allons-y.


Quels détails ont retenu mon attention ? Le premier, c’est l’utilisation du thème principal de Jurassic Park qui, je trouve, manquait de justesse. On l’entend pour la première fois lorsque les enfants entrent dans leur chambre d’hôtel, c’est-à-dire une scène n’ayant ni importance ni poids significatif, et ne justifiant pas l’utilisation de ce thème si symbolique. Tout du moins, pas si tôt, car cette scène débouche sur une vue panoramique du parc depuis la chambre, qui aurait mieux correspondu au lancement du thème. Ce n’est donc qu’une question de secondes, mais ça fait la différence. Pour être honnête je ne me rappelle plus exactement quand il est de nouveau utilisé, mais je sais que c’était encore mal placé, et c’est vraiment dommage. C’est un thème très connu, qu’on n’a pas entendu depuis bien longtemps, il n’était pas très compliqué de mieux l’employer.


Ensuite, je parlais des personnages du film. Il est vrai qu’ils sont stéréotypés, mais je trouve qu’ils ne le sont presque pas assez. Les gentils ne sont pas assez gentils et les méchants pas assez méchants, car comme je disais, on est dans le divertissement, et quitte à y être, autant aller au bout. Du coup, on n’a pas de réelle émotion les concernant, même si j’avoue avoir quelques exceptions qui me font suggérer que le scénariste est un parfait sadique. Déjà, je trouve la mort du propriétaire du parc assez pathétique et inattendue, car il s’agissait d’un personnage somme toute attachant et attrayant qui ne méritait pas cette mort si soudaine et désespérée. Ensuite, la mort du grand vilain, incarné par Vincent d’Onofrio, est trop soudaine et expédiée. Il n’a pas le temps de finir son discours, et le timing est trop précoce. Enfin, je pense que la scène qui m’a le plus dérangé dans le film est la mort de la femme envoyée par Claire pour surveiller les enfants. Déjà, elle ne méritait pas de mourir, et certainement pas d’une manière aussi cruelle. Je pensais jusqu’au bout qu’elle allait, je ne sais comment, ricocher sur l’eau et tomber hors du bassin, en tout cas s’en sortir, mais certainement pas ça, et j’avoue que ça m’a gêné.


Mais voilà, il y a aussi du positif, et tant que je suis dans la zone spoilers j’en parle. J’ai apprécié les nombreux clins d’œil au premier Jurassic Park, qui peuvent passer pour de l’opportunisme, mais je trouve que ça nous baigne encore plus dans l’ambiance et donne un réel sens à l’existence de Jurassic World, qui s’inscrit dans une suite directe du premier. Et si je retiens une scène en particulier, c’est le spectaculaire combat final, avec la libération du T-Rex (quand même tenu à distance par une femme en talons, mais on s’en fiche) et le triomphe final qui m’a provoqué des frissons de dingue et m’ont fait perdre quinze ans d’un coup.


En définitive, Jurassic World est un film « quitte ou double » qui, en ayant joué la carte du grand divertissement spectaculaire, saura ravir les amateurs de sensations, mais fera grimacer les sceptiques. On appréciera le florilège de dinosaures, mais on regrettera la démarche du réalisateur qui se perd dans son ambition en voulant traiter trop de sujets. On appréciera les clins d’œil aux précédents opus et la volonté du réalisateur d’être fidèle à la saga, mais on se dira toujours « c’était mieux avant ». C’est donc ce qui rend Jurassic World si difficile à juger de manière objective, car chaque argument « pour » amène un argument « contre » et vice-versa, et le positionnement du spectateur ne dépend que de sa propre perception du film, et de ses propres attentes. Il est vrai que ce n’est pas un cas isolé, mais celui-ci est particulièrement concerné par ce phénomène.


Qu’on se le dise, aucun film ne fait l’unanimité, et encore moins aujourd’hui. Ce n’est certainement pas le cas de Jurassic World, mais ne vous privez surtout pas de la chance de pouvoir l’apprécier comme il est. Le comparer à Jurassic Park me paraîtrait de toutes manières absurde, tant je l’ai vu à maintes reprises, et surtout parce qu’il a marqué mon enfance. De plus, le contexte dans lequel il est sorti est très différent de celui dans lequel est sorti Jurassic World, tout comme le contexte dans lequel vous avez découvert Jurassic Park, très probablement. Effacez-le donc de votre mémoire le temps d’un film. J’en ai parlé à plusieurs reprises, les blockbusters suivent aujourd’hui des schémas similaires, et si quelques rares exceptions comme Mad Max : Fury Road se font une place par leur différence, il ne faut pas en attendre autant de toutes les superproductions qui sortent. Et Jurassic World n’est certainement pas un film stupide. Il justifie ce pourquoi le cinéma est né : attirer la curiosité et divertir. J’admets volontiers les défauts de ce film, mais il faut aussi être capable de reconnaître ses qualités. Je défends donc Jurassic World car il m’a bien plu, et m’a fait retrouver mes yeux d’enfant. Bien entendu, vous êtes également tout à fait en droit d’avoir été déçu, mais quoiqu’il en soit, rêvez un peu, ce n’est pas interdit !


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le 14 juin 2015

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