Jurassic Park est une licence qui parle à toute une génération - généralement située autour des années 80-90 - et qui, outre ses qualités d'entertainment, avait la capacité d'éveiller la fibre rêveuse de l'enfance, émerveillée par la possibilité de voir revivre des créatures ancestrales. Si on oublie les qualités et défauts de ses suites, on se souviendra de Jurassic World en tant que film fan service, développé dans la simple volonté de faire vibrer la corde sensible du fan originel. Un sentiment d'obligation qui pousse d'ores et déjà le film dans les orties car il devient aseptisé, impersonnel. Trevorrow aura beau vous dire tout du long, subtilement, que celui-ci vous concocte son film, rien ensuite ne viendra le servir tant il reste ancré dans ses références et ne s'écartera jamais du chemin établit par Spielberg il y a déjà vingt ans. Sentiment regrettable car outre l'inutilité latente du projet, le film reste comme son aîné à la pointe de la technologie, servant des effets spéciaux stupéfiants et une 3D bien mise en valeur au public qui ressentira nombre de frissons à la vue de ces créatures préhistoriques. Mais le problème est plus grave encore, au point de faire de Jurassic World un cas d'école : rarement il aura été donné au spectateur de voir un produit aussi infantilisant et manipulateur au cinéma. Narrant trois récits distincts, Jurassic World semble représenter un Hollywood du passé, celui qui aujourd'hui aurait peur de se faire voler la vedette par de nouvelles idées, de nouveaux créatifs qui voudraient remanier le média et imposer leurs visions. Le héros "mâle alpha" (terme rabâché du film) viril, protecteur, imperturbable, va alors progressivement prendre de l'importance sur les premiers protagonistes présentés (une femme au travail, des enfants perturbés par le divorce de leurs parents) pour mieux s'imposer en tant que figure paternaliste, seule chance pour la petite famille américaine (et Hollywoodienne) de survivre face à l'assaut perpétuel de menaces environnantes. Rarement un sous-texte aura été aussi abject et rétrograde, à tel point qu'on se demande si cela est bien réel lorsqu'on voit Chris Pratt - muscles saillants et plein de cambouis - sortir des remarques sexistes à une jeune bourgeoise qui n'a jamais su s'imposer en tant que femme au travail, et qui trouvera sa place... dans la vie de famille.


Dire que Jurassic World est un désastre est un euphémisme tant celui-ci semble tout droit sortir des années cinquante, autant par sa structure éculée que par l'incapacité du réalisateur à imposer une quelconque idée de mise en scène. Mais c'est surtout cette image bêtifiante, inutilement virile (même le grand frère n'y échappe pas) et sans le moindre sens qui fait de cet épisode un produit détestable. Sorte de gros doigt d'honneur au public et à tous les efforts de certains réalisateurs pour imposer une démarche plus ouverte et adaptée à notre époque "nostalgique", Jurassic World est le représentant d'un Hollywood déchu, qui n'a réellement plus rien à offrir, essayant de survivre dans un dernier râle d'agonie. On ne verra pas plus triste au cinéma cette année.


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le 12 juin 2015

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Florian Bodin

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