Face à l'éruption volcanique imminente du volcan situé en plein coeur de l'île du parc jurassique (à l'origine ouvert au public dans le long métrage précédant), l'humanité est partagée quant à la marche à suivre pour répondre à ce phénomène naturel. Doit-elle ignorer le cataclysme et laisser les différentes espèces de reptiles s'éteindre ou bien intervenir et tenter de sauver ce trésor scientifique inestimable ?


Dans la réalité qui est la nôtre où les sociétés individualistes sont plutôt insouciantes de l'environnement, le synopsis fait déjà sourire et place le film sous le signe d’une ironie bizarre. Avec un président américain actuel encore persuadé que le réchauffement climatique est une invention complotiste des chinois, l'initiative du sauvetage des reptiles par les chercheurs et les scientifiques apparaît pour le coup assez ironique par rapport à la réalité. Les sociétés contemporaines ont déjà du mal à s'occuper de leurs propres citoyens, l'idée de sauver une espèce en voie de disparition est pour le moins insolite et drôle, pour ne pas dire pouffante. Soulignons que dernièrement le chef des ricains s'est par ailleurs montré favorable à promouvoir la chasse à l'ours en appâtant l'animal avec des donuts et du bacon. Mais cela dit, Jurassic World reste un film de science-fiction non ? Mais Trump non. Dommage. « Monde de merde ».


Une équipe de scientifiques est dépêchée sur place donc, pour aider un commando d'hommes en armes pour traquer et capturer les représentants de 11 espèces de reptiles. S'ensuit alors une ribambelle de péripéties aussi indigestes que prévisibles avec des jeux d'acteurs impersonnels et terriblement plats. Chaque "rebondissement" est capté un quart d'heure avant qu'il ne se produise, gâchant tout effet de surprise et réduisant le scénario aussi efficace que la volonté d'une huître sous speed.


Côté personnalités, on retrouvera tous les personnages attendus dans ce genre de film enclin à l'aventure, l'expédition, la quête ou la croisade : le scientifique rationnel "il faut pas tuer les dinosaures, non il faut pas", le chef de commandos militaire avec la tête classique du nazi qui ne pense qu'à détruire et s'enrichir, un vieux plein de pognon dépassé par les évènements, un homme d'affaire véreux, une gamine pour fédérer le public et rendre le film intergénérationnel, deux chercheurs geeks inutiles, et les deux personnages principaux, parfaits stéréotypes fabriqués de toute pièce par le monde de la publicité et l'idéalisme codé de l'humanité. Saupoudrons le tout de quelques gorilles et armoires à glaces avec des flingues et enfournons le plat sous une explosion de lave à 1200 degré pour obtenir un gratin que même des mouches ne toucheraient pas.


L'étendue du film (2h10 faut quand même tenir), peut être contenu en trois séquences distinctes : l'expédition sur l'île avec un petit safari sauvage auréolé de testostérone et d'une avalanche de clichés désespérants, une traversée de l'océan rythmée par des scènes tirées par les cheveux, et le retour au bercail avec l'ensemble des bêtes maintenues en cage dans des box. On peut y voir ici une structure calquée grosso modo à celle du King Kong de Peter Jackson, le talent, la qualité du casting, et la prise de risque en moins. Ce qui surprend dans ce film c'est aussi le retournement de situation, car les dinosaures qui, dans les premiers opus de la saga, apparaissaient comme des créatures sauvages impressionnantes, sont ici dépeintes comme des martyrs et des êtres fragiles presque sans danger et on sent bien la volonté de la part du réalisateur de vouloir faire naître une forme de culpabilité ou de pitié en nous face au désastre sur le point de s’abattre sur eux.


L'idée aurait pu être bonne mais ça ne fonctionne pas du tout. Car contrairement à King Kong, les dinos n'ont aucune part d'humanité et ne permettent d'établir aucun attachement quelconque. Et ce ne sont pas les malheureux flashbacks de crèche avec des bébés dinosaures qui consolera le spectateur. Les vingt dernières minutes démontrent clairement l'égarement du film, le scénario très pauvre et l'absence de choix dans la réalisation du film : c'est brouillon, on a du comique, beaucoup d'action et de la synthèse à gogo, de gros clins d'oeil au cinéma d'horreur, mais rien ne semble être assumé et même les acteurs ne semble pas croire à leurs propres textes. Il faut trouver une certaine mesure dans l’ambiance d’un film, si on joue la carte de l’horreur et de l’effroi, autant y aller jusqu’au bout.


Dans un souci de rentabilité et de fédération des publics, la franchise est devenue fade et plate, comme une bière de qualité ouverte et tristement abandonnée en plein soleil. Évidemment pour que la recette fonctionne, il est nécessaire d’infantiliser un peu le socle de la saga, mais où sont passés les monstres du premier opus ? Les créatures féroces et hostiles décrites dans le livre chef d’oeuvre de Michael Crichton ? Ici l'animal sauvage aux dents acérées est presque gommé et n'apparaît qu'au second plan, si bien que sa crédibilité est clairement remise en question, faisant presque passer un T-rex pour un vulgaire canard jaune en plastique à mettre dans le bain. Il est peut-être temps de modifier la recette ou d'arrêter de torturer le personnage emblématique et intéressant qu'est le dinosaure si c'est pour goûter à ça.


Quant au dinosaure hybride et militarisé je dirais que…
Non en fait je préfère éviter d'en parler.

Bat_Bonnin
2
Écrit par

Créée

le 18 juin 2018

Critique lue 154 fois

2 j'aime

Bat Bonnin

Écrit par

Critique lue 154 fois

2

D'autres avis sur Jurassic World: Fallen Kingdom

Jurassic World: Fallen Kingdom
Sergent_Pepper
3

Les arcanes du blockbuster, chapitre 31

Sur la table en bois brut, dans une jatte en terre cuite, des chips veggie, des bouteilles de lait maternel, du sable multicolore et une paire de forceps. -…nouvelle race qu’on va apprivoiser pour...

le 27 sept. 2018

88 j'aime

7

Jurassic World: Fallen Kingdom
Behind_the_Mask
6

Quelque chose a survécu ?

C'est bien la question légitime que l'on peut se poser à la fin de la séance de ce Fallen Kingdom. Car il laisse une drôle d'impression. Un drôle de sentiment bien mitigé, parfois même assez...

le 9 juin 2018

85 j'aime

11

Jurassic World: Fallen Kingdom
MatthieuS
5

Deus Ex Machina World

Le premier Jurassic World m’avait particulièrement refroidit à sa sortie. Étant fan de la saga, et pas uniquement du premier film mais bien des trois à différentes échelles, j’attendais le nouveau...

le 6 juin 2018

68 j'aime

17

Du même critique

Les Rêves qui nous restent
Bat_Bonnin
5

Critique de Les Rêves qui nous restent par Bat Bonnin

J'ai apprécié découvrir la lume de cet auteur chilien, qui nous prospose un roman hybride ponctué d'enquête et de réflexions sur la condition humaine, dans un futur qui ne semble pas si lointoin. La...

le 10 sept. 2022

1 j'aime

Little Miss Sunshine
Bat_Bonnin
9

Odyssée Familiale

Le road movie peut-être un genre cinématographique déstabilisant pour le spectateur, parfois, et offre des avantages indéniables au réalisateur, mais il convient aussi de souligner bon nombre...

le 14 juin 2018

1 j'aime

Starship Troopers
Bat_Bonnin
8

Die Monster Die !

Il est toujours intéressant de constater à quel point un film peut diviser les visionneurs et engendrer plusieurs types d’opinions et de réactions différentes. Souvent, la manipulation du second...

le 14 juin 2018