Juste quand on reprenait confiance en la capacité d'Hollywood de sortir des blockbusters de qualité (avec Top Gun Maverick) qui ramènerait le public en masse dans nos très chères salles obscures abandonnées, voilà que sort cet épouvantable Jurassic World, sorte de caricature de tout ce qui peut foirer dans un projet relevant plus du Marketing que du 7e Art.
Soyons clairs : si la franchise du concept spielbergien a vu naître plusieurs films médiocres, on n'était jamais encore tombé aussi bas que dans ce navet cosmique. Sauvons d'emblée ce qui peut être sauvé : les effets spéciaux impeccables et Jeff Goldblum, qui vieillit avec une élégance étonnante. Est-ce suffisant pour peupler deux interminables heures et demi ? Non, absolument pas.
Il y a d'abord ce scénario inepte, construit sur la fausse bonne idée de réunir tous les personnages emblématiques de la saga, en entortillant de manière maladroite deux histoires absurdes, qui finissent par se rejoindre en dépit du bon sens. La première heure du film est insupportable de bêtise et d'ennui, et le fait de la parsemer de commentaires "politiques" sur l'engeance des milliardaires actuels, le danger planétaire que représente les stratégies d'un Bayer / Monsanto, ou la menace climatique lui ajoute une artificialité dont le film ne se relèvera pas. En sacrifiant d'ailleurs tous ces thèmes à la logique du film d'action horrifique qui triomphe tout au long de la dernière partie du film, les scénaristes prouvent bien qu'il n'y avait rien de sérieux derrière ces fameuses préoccupations à la mode. On passera sur les dérives ineptes du fan service, sous forme de ces inévitables clins d'oeil complices (?) qu'adressent les acteurs à leur public. Méta ? Même pas !
Mais c'est quand une scène d'action potentiellement décente pointe enfin son nez - la course poursuite entre une moto et des velociraptors dans les rues de Malte - qu'on réalise combien la mise en scène est à la ramasse, le montage hachant l'action sans discernement, lui retirant toute dimension spectaculaire et toute réalité.
Et puis on comprend rapidement qu'il ne peut rien arriver de mal à nos "héros", ce qui désamorce tout suspense dans l'interminable répétition de scènes voyant les personnages confrontés dans des endroits improbables à un modèle de dinosaure différent (à écailles, à poil, à plume, à bec, n'en jetez plus...). Au lieu d'avoir peur, on ricane salement devant tant d'accumulation de facilités, qui traduisent une perte abyssale aussi bien de savoir-faire technique que de désir de bien conter des histoires intéressantes qui fassent sens. Et on regrette amèrement la remarquable scène des enfants traqués dans la cuisine du film original.
Bref, le monde d'après, c'est juste une version cheap du monde d'avant. D'où ce qui faisait l'intérêt de l'Art cinématographique, ce véritable dinosaure, a totalement disparu.
[Critique écrite en 2022]