"On ne souffre que de nos secrets."
La voilà, cette 41e et ultime réalisation (en tous cas officiellement) signée par le taulier du cinéma américain, Clint Eastwood, 94 ans, que j'attendais d'autant plus après son très moyen «Cry Macho», et que je voyais mal conclure sa carrière avec une œuvre décevante.
Immense cinéaste qui a su traverser les âges (plus de 50 ans) et les styles, Eastwood a très souvent interrogé l'être humain et ses contradictions au sein de ses œuvres.
Il n'est donc pas surprenant que celui-ci conclut sa filmographie par un film de procès (genre qu'il avait déjà plus ou moins traité dans «Minuit dans le jardin du bien et du mal» et «Jugé coupable»), interrogeant et illustrant cette zone grise qui peut exister en chacun de nous, entre innocence et culpabilité.
Film au classicisme feutré mais jamais désincarné, et servi par un casting solide et hétéroclite, ce «Juré n°2», débutant par l'image d'une femme aux yeux bandés (référence évidente à la justice aveugle, et donc impartiale), vient mettre en lumière le conflit intérieur qui anime Justin Kemp, futur père et ancien alcoolique (mais encore parfois en proie à ses démons), qui doit décider, avec 11 autres jurés, du sort d'un homme accusé d'avoir tué sa compagne.
Un homme que Justin sait innocent, puisque c'est lui qui est à l'origine de ce crime sans le vouloir.
Il va alors faire tout son possible pour ne pas être pris, tout en tentant de convaincre ses autres collègues que cet homme, au lourd passé judiciaire et que tout accuse, n'a pas commis ce crime (une façon pour lui de trouver une forme de pardon ?).
Et se retrouver face à ce dilemme : comment faire entendre la vérité aux autres, sans faire entendre sa vérité ?
Mais vérité et mensonge peuvent-ils cohabiter aux yeux de la justice ? Et qui en sortira vainqueur au final ?
Malgré quelques raccourcis un peu faciles et un rythme un peu trop posé par moments, ce film d'Eastwood s'avère être une œuvre judiciaire maîtrisée et loin d'être manichéenne, dénouant la notion de justice pour mieux s'en emparer, et en souligner le côté humain et donc faillible.
Se rapprochant d'un «12 hommes en colère» (malgré des motivations assez différentes de nos protagonistes principaux), ce drame-thriller fait se confronter fatalisme et culpabilité, croyances et convictions, jusqu'à aboutir à un verdict où une vérité aura pris le dessus sur une autre.
Mais ce verdict était-il juste ? Cette vérité était-elle juste ? Justice a-t-elle été rendue ?
La scène finale en mode cliffhanger viendra répondre, à mes yeux, à ces interrogations.
Une œuvre judiciaire qui ne figurera pas forcément dans mon Top Clint, mais un film qui a le mérite de soulever des questions humaines et sociétales vraiment intéressantes, tout ça à travers une histoire bien menée et mise en scène.
Et pour un dernier(?) tour de piste, c'est bien plus qu'honorable. Merci Mr. Eastwood, et chapeau bas.