Un visage marqué, fatigué, las…ce n’est pas une combattante qui se présente au juge mais une femme épuisée qui veut la paix. Ce qui interpelle dans le personnage de Miriam c’est cette impression qu’elle a abandonné … Son mari l’humilie, la harcèle, la bat et…il n’y a rien à faire si ce n’est partir loin, dans une autre ville, dans un appartement dont il n’a pas l’adresse. Changer de téléphone sans lui donner son numéro, puis changer de numéro, puis éteindre son téléphone. Fuir. Porter plainte ? Cela ne sert à rien. Faire ordonner qu’il n’approche plus ses enfants ? Apparemment ce n’est pas recevable, pas dans leurs intérêts. Las donc, Miriam ne demande qu’une chose au juge, « Nous voulons juste vivre en paix ».
Ce « Nous » dont elle parle, c’est une mère et ses deux enfants, Joséphine et Julien. Les siens et les Siens. Ceux de l’Autre, comme si désincarné ce mari violent, cet Antoine inflexible, permettait de le tenir à distance, de se détacher du problème. Sauf que cet « Autre » est bien là, toujours là. Car si ce n’est plus un époux (oui, une femme a quand même le droit de se séparer d’un mari violent, même si elle risque de finir sans emploi, sans toit, piégée par sa propre fuite), c’est un père qui demande à voir ses enfants et qui ne comprend pas pourquoi on l’en empêche. Car comme le dit son avocate : si monsieur Besson n’est peut-être pas un modèle de vertu en tant qu’époux, il n’y a aucune raison de le priver de ses enfants. Quelle emphase ! Paradoxalement donc, ce sont ceux qui devraient protéger Miriam qui la piègent, qui l’empêchent de fuir. C’est cette avocate qui balance « Ce n’est quand même pas la faute de Monsieur Besson si madame est au chômage pour avoir abandonné un job très bien rémunéré pour partir loin, sur un coup de tête ». En sous texte, arrêtons les caprices … Cette magistrate qui lui demande (question ouverte) : « Vous ne trouvez pas anormal que vos deux enfants soient tellement en colère contre leur père ». En sous texte, ne les braquez pas quand même… A ceux-là, Miriam ne dit plus rien. Face à lui, elle reste impassible, blasée face aux cris, anesthésiée face aux coups, comme si elle avait intégré ce danger et n’était plus vraiment consciente des risques.
Ce danger pourtant, le spectateur le ressent tout au long du film de Xavier Legrand, par la conscience des proches de Miriam qui eux, savent ce qu’elle vit, a vécu, ce qu’elle essaye de fuir. C’est sa sœur qui la supplie de porter plainte, son père qui veut appeler les flics et surtout ses deux enfants. On ne peut échapper au regard de sa fille Joséphine, marqué par l’angoisse tout au long du film et qui tente de fuir à sa manière, peut être en fondant sa propre famille, à l’extérieur. Mais c’est surtout Julien, son fils de 10 ans qui crée un sentiment de malaise voire de culpabilité. Julien, plus conscient du danger que la police et les juges, et qui essaye maladroitement de protéger sa mère des coups en courant seul, loin de son père qui lui a pris ses clés et son téléphone pour l’atteindre elle. « Mon amour je vais pas me prendre la tête avec toi tous les WE » lui dit son père, magnanime… On comprend alors que rien ne peut s’arrêter, la fuite est vaine. Miriam le comprend, comme nous, dans une scène finale aussi magistrale qu’insoutenable, quand, acculée dans sa baignoire avec son fils, elle ne peut que constater que fuir n’est pas suffisant. Triste constat : il faut un drame pour permettre à cette femme d’arrêter de fuir. La voisine appelle, les flics arrivent, la porte se referme… happy end ?