Depuis le début de l’année, on a déjà pu avoir l’occasion de voir passer différents films convaincants. Certains étaient assez attendus, comme 3 billboards, les panneaux de la vengeance ou Les Heures Sombres, et d’autres s’avéraient moins médiatisés mais tout aussi convaincants, comme L’Insulte. Jusqu’à la garde fait partie de la seconde catégorie. Film français très bien noté, il fait a priori partie de ces petites pépites à aller dénicher et à aller découvrir en salles. Tout naturellement, c’est ce que j’ai fait.
Souhaitant m’informer le moins possible au sujet du film, n’ayant vu qu’une fois la bande-annonce, je suis allé le voir en pensant assister à un pur drame social, très réaliste. En réalité, il s’agit avant tout d’un vrai thriller, très réaliste lui aussi toutefois. C’est aussi tout de même un drame social, et il ne s’agit pas de dire que le film a loupé le coche, loin de là, mais ma mauvaise approche m’a fait attendre des choses qui n’avaient pas lieu d’être, c’est-à-dire un film invitant plus au débat et à la réflexion qu’à la véritable immersion dans une histoire, plus manichéenne avec un antagoniste défini (mais en nuances). Et mon objectif était de commencer par cette petite mise en garde afin que vous puissiez apprécier ce film à sa juste valeur. La nuance réside, finalement, principalement dans le ton que prend le film. Car Jusqu’à la garde est un film qui mérite tout à fait le visionnage, avec une intrigue qui rappellera au souvenir du Shining de Stanley Kubrick, dans une ambiance beaucoup plus habituelle et quotidienne, mais pas moins glaçante.
Le film de Xavier Legrand est surtout un film d’atmosphère. Ses multiples dialogues de sourds, où les langues sont incapables de se délier, les longs silences, laissent place à une tension ambiante qui se transmet au spectateur, qui ressent tout au long du film un désagréable sentiment de malaise. Mais ce sentiment, bien que négatif dans l’absolu, est tout à fait positif dans le cadre de l’expérience cinématographique. En évitant les superflus et en employant judicieusement une réalisation allant à l’essentiel et un rythme adapté, Xavier Legrand laisse au spectateur le temps de ressentir les choses, ce qui est très important pour vivre un film plus que de simplement le regarder.
Xavier Legrand choisit une réalisation au plus près de ses personnages pour les mettre en valeur et nous rapprocher d’eux, dans cette même démarche de nous immerger dans un quotidien sombre et malade. A ce jeu, Jusqu’à la garde fonctionne encore grâce à une très bonne équipe d’acteurs, entre une Léa Drucker perdue et terrorisée, le petit Thomas Gioria qui réalise une très belle prestation, et Denis Ménochet qui passe par tous les stades, entre un père de famille rustre, attendrissant, incompris et terrifiant, un personnage complexe et parfaitement retranscrit par le jeu de l’acteur. Tous les personnages sont victimes d’une situation qui les dépasse, dans laquelle ils semblent enfermés et incapables de pouvoir s’en sortir sans une explosion de violence.
Jusqu’à la garde est donc une de ces belles surprises de ce début d’année, made in France en plus, pour ne rien gâcher. Ses Lions d’Argent à la Mostra de Venise auraient pu nous mettre sur la piste, mais Xavier Legrand frappe fort pour son premier film. Glaçant et crispant, Jusqu’à la garde est un film basé sur de la fiction, mais au style très réaliste, et dont le rythme et la réalisation permettent une véritable immersion, faisant réellement vivre le film. Une belle réussite.