Pour son premier long-métrage, Xavier Legrand frappe fort: alors que souvent l'on commet l'erreur nubile de vouloir en dire trop et de se perdre, lui ne filme aucun plan superflu, chaque détail s'inscrivant pleinement dans sa syntaxe, le tout étant intelligemment agencé et faisant uniformément sens.
Abordons d'abord l'excellent travail sur les sons hors-cadre: martèlement des talons dans les couloirs du tribunal (marquant un rythme déjà inquiétant, annonciateur de la tension latente constante dans laquelle baigne le film), vrombissement animal du moteur de la voiture d'Antoine (le père) et crissement des pneus le situant entre le taureau enragé soulevant la poussière et l'ours fonçant sur sa proie, silence nocturne à peine perturbé par le tremblement sonore provoqué par la cage d’ascenseur lors de la scène finale, … Ces sons participent à créer cette ambiance implacable suintante de tension, prenant à la gorge, angoissante à souhait.
Cela s'inscrit dans une partition parfaitement maîtrisée où le rythme devient essentiel, car en déroulant par petites touches le drame social qui se noue et la tragédie qui guette, le tout coupé d'intervalles de paix (quoique toujours menacée), il dessert à merveille la scène finale qui explose à la fin de ce crescendo inarrêtable.
Cette scène finale, tout le monde s'en rappellera tant la force émotionnelle est incommensurable, plus qu'effrayante qu'un film d'horreur auquel on a du mal à croire, horripilante comme seule peut l'être la réalité.
Nous y noterons le parti pris du cinéaste (jusqu'à alors plutôt neutre comme le suggère le point de vue proche de la juge dans la scène liminaire, donnant alors sa chance à Antoine) qui se range pour des raisons biologiques du côté de la mère comme le signifie le symbolisme de la fusion des corps dans la baignoire, avec un retour à la position fœtale dans cet univers potentiellement liquide, où mère et enfant sont indissociablement liés.
C'est donc un film remarquable, avec des acteurs tous excellents (même les personnages secondaires), parfaitement dirigés, en particulier Antoine et son fils, bluffant de maturité, que nous livre Xavier Legrand.