Histoires de fantômes chez moi
Les années 80 sont souvent, et à juste titre, décriées. En musique, ce fut le règne du synthétiseur et de mouvements musicaux que seule la nostalgie peut sauver. En politique ce fut l’avènement des Reagan et des Tatcher dans un monde qui pleure encore leur influence mortifère. Dans le domaine de la mode, on ne peut revoir un épisode d’une série 80’s sans refréner un sourire nerveux.
En cinéma, puisque c’est de ça dont nous allons parler ici, ce fut l’avènement de l’entertainment décérébré et sucré, destiné à remplir les multiplexes, après des années 60 et 70 politisées marquant les débuts du nouvel Hollywood.
Double risque, donc, avant d’aborder un film qui est issu de cette décennie méphitique, puisque je le vis à l’époque de sa sortie: celui du souvenir post-adolescent trop flatteur, et celui de la faute de goût originelle due à l’époque.
-Maïs et culture OMG !-
A plus 20 ans de distance, plusieurs scènes restent parfaitement claires en tête, et j’imagine que cela est à mettre au crédit du film. De fait, ce n’est pas forcément le propos principal qui marque et semble mémorable aujourd’hui (les relations père-fils, le récit édifiant du fermier qui sauvera son exploitation en suivant ses rêves) mais bien certaines choses, à la marge, qui en font toute la saveur.
Ce qui fonctionne parfaitement, c’est d’abord un humour -discret mais constant- qui baigne le film, et en allège certaines scènes, dont l’esprit est résumé dans une phrase comme «nous avions des points communs: elle venait de l’Iowa et j’en avais entendu parler, une fois».
Enfin et surtout, c’est la façon dont le surnaturel interagit avec le réel, tout au long du film, qui constitue une de ses vraies réussites. Toutes les réactions des humains, à priori plutôt pragmatiques, sont savoureuses. A chaque fois, l’acceptation de la situation (des joueurs de base-ball fantômes qui viennent s’entrainer sur le terrain qu’un fermier vient d’emménager au milieu de son maïs, car une voix le lui a demandé) se fait sans qu’on y passe de longues minutes pénibles, tout en restant parfaitement écrites. Tout comme le sont les scènes entre Terrence Mann (superbe James Earl Jones) et Ray Kinsella, alternant le cocasse et le touchant. Comme l’est, encore, la première scène ou apparait l’immense Burt.
-Là, Ray, au milieu-
Que le film de Phil Alden Robinson, dont c’est presque la seule œuvre notable, fasse parti des 10 meilleurs films fantastiques selon l’AFI (American Film Institute) et tienne une telle place dans la culture populaire américaine peut cependant laisser songeur.
Au delà des bons moments que je viens d’évoquer et qui justifient pour moi un souvenir attendri et une affection réelle, peu de choses supportent l’épreuve du temps. Musique omniprésente que ne renierait pas un téléfilm de M6 de milieu d’après-midi du mercredi, dénouement béat et téléphoné (malgré une image finale saisissante), ou encore scènes à utilité appuyée maladroite (la chute de la fille). Autant d’éléments qui laissent au minimum circonspect, surtout si l’on découvre ce « Field of dreams » aujourd’hui.
Puis bon, on ne me la fait pas: nous faire croire que le métier de paysan dans l’Iowa ne consiste qu’à planter du maïs et attendre 6 mois que ça pousse, en rêvassant avec une chemise hype, est sans doute le point le plus improbable du film, sans doute sponsorisé par le syndicat agricole local afin de faire naître des vocations.
J’imagine les ados qui, à la sortie de la séance, annoncèrent à leur parents que quand ils seraient grands, comme métier, ils voudraient faire Kevin Costner.
Sans doute une des différences entre acteur et tracteur.