Il y a quelque chose d'une infinie tristesse dans la vision de Justice League, blockbuster morne et désincarné, lâché en rase campagne par Warner avec une promotion en service minimum. On est triste pour Zack Snyder, chic type du bois dont on fait les geeks mais qui va quitter cet univers par la petite porte, définitivement grillé par cette mission impossible que lui avaient confiée Warner et DC dès la première pierre Man of Steel. Celle de l'édification, à la va-vite et en lorgnant le succès de Marvel, d'un univers cinématique partagé pour les héros DC Comics, plus difficilement « modernisables » à l'écran en raison de leur ADN mythologique d'avant-guerre. Avec cinq ans de retard, Justice League devait répondre aux Avengers du concurrent… mais la comparaison s'avère amère et cruelle pour le camp Superman...
Tristesse encore que ces acteurs à l'évidence démotivés de n'avoir à jouer que des propriétés intellectuelles en mouvement plutôt que des personnages de chair et d'os, dans ce vaste jeu vidéo sans manettes ni âme. En tête des victimes : un Ben Affleck botoxé et surgonflé, l'œil éteint, dont le Bruce Wayne n'est qu'une coquille vide uniquement guidée par la tâche fonctionnelle de rassembler la Justice League. Jason Momoa fait du mieux qu'il peut pour apporter une étincelle de vie à son alter ego, mais son Aquaman en reste au stade d'attraction pour les fans. Même Wonder Woman (Gal Gadot), la meilleure élève de cette classe de cancres, perd ici un peu de sa superbe. Ray Fisher en Cyborg nous laisse aussi froid que le métal dont il est fait et que dire de l'immense gâchis du retour de Clark Kent ?
Construit sur une intrigue insipide digne d’une vulgaire série B et des scènes se voulant spectaculaires mais qui font mal aux yeux, Justice League n’a définitivement rien de vraiment bon à proposer. Revenons plutôt sur le cas particulier de Barry Allen –Flash pour les intimes– dont le réalisateur se sert pour placer quelques notes d’humour, à des moments rarement opportuns, mais qui tombent systématiquement à l’eau, et font inévitablement du personnage d’Ezra Miller un insupportable abruti. Ces touches de comic relief lourdingues sont d’ailleurs la trace de l’influence de Joss Whedon venu, rappelons-le, assurer quelques reshoots de dernière minute après le départ de Zack Snider pour cause de drame familiale...
Quant à la bande originale mollassonne de Danny Elfman (Où est passé Hans Zimmer !), elle n’aide en rien à combler le manque d’enjeux que représente l’arrivée de Steppenwolf. Elle semble même s’accorder à la disgrâce des scènes d’action, à commencer par un flashback calqué sur Le Seigneur des Anneaux. Le film aurait pourtant pu creuser les pistes scénaristiques les plus intéressantes apparues dans les précédents films, à commencer par la méfiance que peut générer la présence d’un extraterrestre sur Terre, mais il ne fait au contraire que les balayer d’un revers de manche...
La finalité de tout ça n’aura été que trouver un prétexte à faire revenir Superman. Voilà, c’est fait. La charge tragique et les questions d’ordre psychologique qu’avait pu générer Batman V. Superman ayant disparu (ainsi que cet univers sombre et violent si réussi !) on est donc désormais convaincu qu’on aura droit à l’avenir à des films toujours plus impersonnels où personne ne mourra vraiment. On souhaite sincèrement que le studio et l'éditeur tirent les leçons de cette terrible défaite et revoient tous leurs « process » créatifs de fond en comble pour les films à venir. Superman, Batman, Wonder Woman et autres Flash sont de magnifiques mythes, qui méritent une autre justice !!!