J'aurais donc mis plus de deux mois à noter ce film, refusant de le faire à chaud, sous le coup de l'énervement.
Mais non, même avec le recul, ça ne passe pas, je continue à ne pas accepter ce qu'a livré là Gilles Perret. Volontairement je ne cite pas pour l'instant François Ruffin qui n'a pas à avoir de point de vue de cinéaste lui, il signe un tract politique, comme à l'époque de "Merci patron !", et je le comprends, il utilise tout médium à sa disposition pour faire passer ses idées.
Perret a toujours été un documentariste "politisé" au sens noble du terme, il défendait des idées à travers son cinéma. Et c'est là que je n'adhère plus à sa démarche, car de politisé il est passé à encarté, et a par la même oublié toute ambition artistique.
J'en avais déjà parlé avec lui lors d'une projection de "L'Insoumis", il avait compris mes doutes, mais n'assumait pas encore totalement son absence d'objectivité.
Lors de notre dernière rencontre, j'ai bien senti (et ceux qui le connaissent depuis longtemps autour de moi aussi) son évolution, il ne nie plus ses préférences politiques mais n'admet toujours pas faire à travers ses films de la politique, dorénavant politicienne.
J'aime que les cinéastes aient un point de vue, alors je devrais dire du bien de "J'veux du soleil" mais là où avant on pouvait parler du fond et de la forme avec ce réalisateur, maintenant c'est terminé, et clairement les projections de ses films se sont transformées en meetings. Bien entendu 99% des personnes qui sont allées voir ce film soutenaient le mouvement des Gilets jaunes, d'où cette ferveur et cette euphorie dans les salles. Moi aussi j'aurais volontiers applaudi ces personnes qui se battent et témoignent, quoi de plus facile que d'être en empathie avec elles et de céder aux sirènes de l'émotion, mais je me suis abstenu car ce film (et les réactions qu'il provoque) m'a profondément gêné.
Je n'aime pas qu'on profite de la vulnérabilité des gens, et là j'ai le sentiment qu'on est en plein dedans. Toute forme de totalitarisme (d'où qu'elle vienne) me terrifie et je peux vous assurer que la discussion qui a suivi la projection ne m'a pas rassuré, me confirmant que l'idéologie aveugle fait de celui qui émet le moindre doute sur tel ou tel point un ennemi.
Ce documentaire n'en est d'ailleurs pas vraiment un, c'est un reportage de JT, un micro-trottoir géant, où jamais n'intervient une idée de cinéma. Il simplifie à outrance un sujet pourtant fort complexe, de manière selon moi assez dangereuse. C'est Poujade qui, où qu'il soit, doit être ravi...
Je vais vous livrer une petite anecdote : François Ruffin devait être présent à Brest le 29 mars 2019 pour venir présenter son film en avant-première. Trois jours avant j'apprends qu'il ne viendra pas, trop fatigué et Brest c'est au bout du monde (comme il le dit dans cette vidéo). Admettons, un coup de mou ça arrive et en s'engageant à venir il n'avait jamais dû voir de carte de France et donc ignorer que Finistère signifiait "Fin de la terre". Mais ce n'est finalement pas ça qui me dérange, c'est la manipulation : toute la presse et les réseaux sociaux ont relayé l'info de la projection et surtout de la PRÉSENCE de Ruffin jusqu'à la dernière minute. En véhiculant ceci, la France Insoumise a délibérément menti à presque 600 personnes présentes ce jour-là. J'avais personnellement, geste plus symbolique qu'autre chose, rendu ma place, mais présent au cinéma malgré tout juste après la projection j'ai pu m'apercevoir qu'on avait dit au bon peuple déçu que l'honnête François avait renoncé à venir au tout dernier moment. C'est probablement ce que les partis du renouveau appellent la TRANSPARENCE.
NB : Je n'avais pas prévu d'écrire cette critique, j'étais parti pour mettre deux-trois mots sous ma note comme la plupart du temps, mais mon clavier s'est emballé. Et puis je sais que mon avis va déplaire, ou probablement être mal compris par ceux qui en auront une lecture partisane, mais je l'assume alors autant ne pas faire le faux-cul et le laisser tomber rapidement dans les oubliettes du Live. Je pense que l'éthique, l'honnêteté intellectuelle de l'artiste sont des sujets très importants, alors autant que je pose ça là et que nous puissions, si vous le désirez, en débattre.