Quand Alexandre Astier annonça débuter l'écriture en vue du tournage de la trilogie Kaamelott, un défi de taille XXL l'attendait. Comme il le confessa, l'artiste touche-à-tout (théâtre, musique, télévision , cinéma) devait constamment garder à l'esprit qu'il s'adressait à un cœur de cible déjà acquis mais également un nombre considérable de curieux non affranchis à ce totem de la culture geek française (n'y voyez aucun dédain, bien au contraire). En outre, le passage du petit au grand écran est plus qu'un simple transfert de format, c'est une autre machine ; plus lourde, plus ample donc plus difficile à appréhender. Toutes ces questions, Astier devait y trouver une réponse au niveau de la structure, de la taille ou de l'accessibilité. Force est de constater que ce volet introductif est un raté dans les grandes largeurs.


Pour le public néophyte craignant de ne pas piper mot à ce que raconte le film, il faut reconnaitre un effort réel pour ne jamais le laisser de côté. Ainsi, un carton et les premières minutes posent les enjeux de manière limpide. La direction d'acteurs est de qualité, chacun ayant sa partition et son moment dans la lumière. De la distribution, Alexandre et Lionnel Astier dominent, les apparitions de Guillaume Gallienne, Alain Chabat ou Clovis Cornillac sont impeccables. Même le jeu outrancier de Christian Clavier trouve logiquement sa place dans le registre anachronique et barré de Kaamelott. Petite surprise, les effets visuels (très peu usités, vu le budget) sont globalement corrects. Et les compositions musicales - sous grosse influence de John Williams (et Star Wars) - sont de bonne tenue.


Voilà


Au delà et à mon grand regret, Kaamelott : premier volet est un chaos indescriptible aussi bien sur le plan narratif que technique. Également à l'écriture, Alexandre Astier ne semble jamais en mesure de composer un corps avec les parties morcelées. Si les 15 premières minutes sont plutôt fluides, les 100 minutes suivantes alternent frénétiquement les lieux, personnages sans qu'un liant solide raccorde les scènes entre elles. Et quand les enchainements ne sont pas incompréhensibles ou brutaux, ce sont les flashbacks qui sont lancés par-ci, par-là sans aucune logique et jusqu'à casser le suspense lors du climax par exemple. On touche à l'autre problème de cette écriture, qui n'arrive presque jamais à faire coexister saynètes comiques et moments d'émotion.


Contre toute attente, Astier reproduit littéralement la configuration scénique de la série, une grosse erreur puisqu'un long-métrage a ses propres codes, avec une atmosphère à saisir et des personnages à creuser au delà du texte. Énorme déception du côté de la mise en scène, qui convoque le pire de Mel Brooks et le meilleur de Jean-Marie Poiré. Le découpage est proprement éreintant avec 100 plans à la minute, des champs-contrechamps éparpillés façon puzzle, et un manque criant d'ampleur et d'envergure. Si on ajoute la photographie bien souvent déplorable (notamment lors des séquences nocturnes) et les décors étriqués, ça fait quand même beaucoup de choses qui empêchent Kaamelott : Premier volet de fonctionner d'un strict point de vue formel. Les ennuis ne s'arrêtent pas là.


La charte ici, c'est un plan large de 2 secondes, puis on passe directement à un cadre toujours resserré, avec des personnages à table qui parlent et qui parlent et qui ne s'arrêtent pas. Des dialogues au kilotonne et presque jamais de moments pour s'imprégner d'un décor, d'une ambiance, de l'univers et de la manière dont les acteurs et évènements se connectent entre eux. Rien n'a de poids ici, il faut se contenter de quelques minutes de calme sur Arthur pour obtenir du cœur. Et c'est tout. Pour l'humour, si l'anachronisme du langage n'est pas un problème, il le devient quand les gags sont aussi nombreux que majoritairement inopérants. La recherche du bon mot permanent lasse, peu de répliques ou moments comiques à retenir (la première réunion enneigée, la libération de Guenièvre et Alain Chabat, merci et bisou).


Il est fort probable que les fans de la première heure s'y retrouvent puisque Alexandre Astier a transposé l'esthétique de la série dans son film. Ce qui ne fonctionne pas à mon sens, justement pour des soucis de clarté et d'immersion. Et si vous n'êtes pas forcément client de l'humour Kaamelott, le passage au grand écran ne va pas arranger vos affaires. Le succès de ce volet acquis, j'espère que la suite affichera de vraies ambitions visuelles et narratives sous peine de rater sa mission, autrement dit proposer une grande saga à un cinéma français qui en manque.

ConFuCkamuS
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le 24 juil. 2021

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