Kaboom
6.2
Kaboom

Film de Gregg Araki (2010)

Bel emballage pour cadeau vide.

[SPOILER]

Pour difficile qu’il soit de circonscrire le sujet réel de Kaboom, je considère qu’il traite du Vide, mais au filtre de l’Agréable et du Beau. En perpétuant une esthétique pop presque surréelle, en poursuivant la jouissance au propre comme au figuré, en multipliant les intrigues jusqu’à les épuiser toutes par surabondance, Araki crée ici un pur divertissement qui s’amorce et s’achève en lui-même. Il fixe, une heure trente durant, notre attention à l’endroit de personnages sans profondeur, par la beauté, d’amourettes sans intérêt, par l’excitation, de banalités de la vie estudiantine, par l’humour ; quand il nous fait finalement miroiter des enjeux supérieurs, il les dégénère rapidement en péripéties absurdes, en rebondissements invraisemblables, et l’on ne trouve jamais rien de suffisamment grave ni sérieux pour y croire et s’attrister.

A s’en tenir là, Kaboom n’aurait rien possédé pour lui que son statut de comédie médiocre vaguement déjantée, certainement pas mémorable. Mais ce par quoi Araki fait aboutir son œuvre, c’est son jusqu’au-boutisme : il lui ôte la moindre de ses impuretés, et quelles autres, dans le film qui ne prétend qu’au divertissement, que ces épisodes si réels, qui rappellent l’homme à sa société familière, comme s’il fallait nécessairement quelque chose qui le fasse réfléchir, une caution philosophique imposée ? Quelles autres impuretés que ces dénouements moralisateurs, parce qu’il faut bien que la chose la plus légère s’alourdisse de quelque conséquence sur l’esprit qui la reçoit ? Quelles autres impuretés, enfin, pourtant si habituelles, que ces fins sans fin, qui ne disent rien sur le futur des personnages, puisqu’il faut bien laisser le spectateur à son imagination, le distraire encore après le film, et cependant ne plus lui être si agréable parce qu’il se posera le plus sérieusement et soucieusement du monde la question de savoir : quid de la suite de cette histoire ?

Ainsi donc, avec Kaboom, Araki n’a rien voulu de sérieux ni de réel, entre le quotidien idéalisé d’étudiants en arts, les pouvoirs surnaturels de certains protagonistes, les couleurs criardes, quasi-fluorescentes de l’image, n’a pas donné de morale, et, surtout, a terminé son film de la façon que tout divertissement devrait l'être : par le Vide, total, le néant post-apocalyptique qui met un terme définitif au grand n’importe quoi de la pseudo-intrigue principale, développée sur fond de secte commandée par un gourou ridicule. Ce faisant, Kaboom n’oublie pas que le pur divertissement, qui ne revendique aucune profondeur, n’est jamais que temporaire : il n’a d’autre but que celui de nous détourner momentanément de la vie, et doit donc nous y laisser retourner, l’esprit tranquille et gai, sans laisser, sur nous, planer quelque interrogation irrésolue.

En résumé, regarder Kaboom, c’est un peu comme subir cette fameuse blague d’anniversaire : c’est admirer le magnifique papier cadeau enveloppant une énorme boîte, l’ouvrir ensuite, et rire aux éclats en s’apercevant qu’elle ne contient rien qu’une chose insignifiante, ou rien du tout.
ento
10
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Créée

le 14 juil. 2013

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ento

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