Tout juste cinq années après Dersou Ouzala où Kurosawa explorait les terres soviétiques, il sort Kagemusha, l'ombre du guerrier. Il nous envoie dans le Japon du XVI siècle pour y suivre des guerres de clans dont l'un perdra assez vite son puissant et charismatique chef qui demandera, dans son dernier souffle, à ce que sa mort soit dissimulée.


Ayant du mal à financer ses projets, il se fait ici aider par Francis Ford Coppola et George Lucas, deux admirateurs du metteur en scène de Rashōmon, ce qui lui permet de mener à bien son projet et force est de constater que le résultat s'avère être à la hauteur de l'ambition c'est-à-dire colossal. Le cinéaste japonais nous offre une somptueuse épopée et surtout un film passionnant dont chaque seconde se révèle être un tableau d'une grande richesse, tant sur la forme que le fond.


Malgré une guerre omniprésente dans cette lutte des clans, Kurosawa s'intéresse surtout à l'humain, son rapport avec le pouvoir et la façon dont cela peut le changer et devenir une faiblesse. Il met l'Homme face à ses peurs et doutes et, pour mieux nous imprégner de ses thématiques, il ne néglige aucunement l'écriture des personnages et l'avancement de l'histoire. Il trouve toujours le bon équilibre tandis que, peu à peu, il met en avant la notion du double ainsi qu'une variation sur la dualité et la façon dangereuse dont il va se rapprocher du pouvoir, le tout dans un Japon féodal en proie à la guerre, la cruauté et les tromperies. Sublimé par une superbe mise en scène, il rend son film, tout le long, haletant et passionnant tout en faisant ressortir toute la dramaturgie, l'émotion, la puissance et la richesse du récit.


Ce qui frappe aussi à la vue de Kagemusha, c'est son côté esthétique, la façon dont Kurosawa orchestre ses batailles et dépeint de magnifiques, et marquants, tableaux, sublimant une belle reconstitution (décors, costumes etc). C'est spectaculaire et dans le même temps, il alterne bien avec les séquences plus intimistes et les questionnements sur le pouvoir, l'humain et la dualité. Devant la caméra, Tatsuya Nakadai est époustouflant dans son double rôle et fait ressortir toute l'ambiguïté de son personnage, tandis que les interprètes, dans l'ensemble, se fondent avec brio dans leur rôle.


Palme d'or 1980 (ex-æquo avec le remarquable Que le spectacle commence de Bob Fosse), Kagemusha met en avant l'âme humaine face aux pouvoirs, la vanité et la dualité, le tout sur de magnifiques et somptueux tableaux et orchestré avec grand brio par maître Kurosawa.

Créée

le 13 déc. 2015

Critique lue 2.9K fois

68 j'aime

10 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

68
10

D'autres avis sur Kagemusha - L'Ombre du guerrier

Kagemusha - L'Ombre du guerrier
Docteur_Jivago
9

L'art féodal

Tout juste cinq années après Dersou Ouzala où Kurosawa explorait les terres soviétiques, il sort Kagemusha, l'ombre du guerrier. Il nous envoie dans le Japon du XVI siècle pour y suivre des guerres...

le 13 déc. 2015

68 j'aime

10

Kagemusha - L'Ombre du guerrier
Gothic
8

L’accord de Shingen

Au XVIè siècle, en pleine guerre des clans, Shingen Takeda est mortellement blessé lors de l’assaut sur le château de Noda. Avant de mourir, il donne des instructions à ses vassaux afin que ceux-ci...

le 5 janv. 2014

61 j'aime

14

Kagemusha - L'Ombre du guerrier
khms
9

Inébranlable

Alors que résonnent encore dans ma tête les cuivres du thème musical clôturant le film, je me retrouve là, complètement ébahi devant la beauté du film que je viens de voir. Des baffes comme ça, on...

Par

le 24 janv. 2013

35 j'aime

10

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

165 j'aime

49

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

152 j'aime

34