Pour son premier long-métrage, Bì Gàn débute dans sa ville natale, Kaili, et met en scène quelques personnages qui s'entrecroisent, entre passé et présent, amour et famille.
C'est même trois histoires d'amour qu'il met en scène dans Kaili Blues, mais le cinéaste chinois est moins intéressé par son intrigue voire les personnages, que ses possibilités en terme de mise en scène. Ici, il créé un fascinant voyage, explorant les frontières du réels et du temps, un voyage envoutant pour nous, libérateur pour son protagoniste. Il y a de la poésie, tant dans le fond que la forme, c'est beau et prenant.
La narration varie, que ce soit linéaire, avec des rêves ou en flash-back, parfois brillant à l'image du souvenir de la vengeance suite à la mort du fils du Moine dans la salle de billards.
Il joue avec le temps, dans le fond comme la forme, utilise les objets qui vont eux aussi traverser les époques, comme la casette et sa vision du temps est particulièrement pertinente, notamment dans le voyage, à la fois vers le passé et vers le futur.
Il filme toute la Chine, pas que l'urbaine, le cadre est envoutant rien que par les lieux filmées, il les sublime et c'est superbe, participant à l'atmosphère onirique.
Kaili Blues bénéficie aussi de l'incroyable maitrise technique de Bì Gàn (impressionnant, surtout pour un premier film et qu'il confirmera avec son suivant Un grand voyage vers la nuit), sans pour autant donner l'impression d'être dans l'esbrouffe, bien au contraire. Il n'y a pas de gratuité, ni d'excès de virtuosité, et le long plan-séquence de milieu de film est superbe, et participe à l'atmosphère fascinante et onirique du film. Enfin, il joue aussi avec la lumière et surtout le son, naturel ou rock, qu'il intègre parfaitement à l'histoire.
Fascinant premier film de Bì Gàn, Kaili Blues est un voyage, onirique et prenant, dans la Chine, dans le temps et dans un présent humain et mélancolique, une œuvre superbe et totalement maîtrisée.