Inoxtag fait partie de ces formes vides de la représentation qui ont émergé d'internet comme pour venir en révéler toute la pourriture et le déperissement. Internet, source possible d'émancipation mais projet initialement conçu par les services secrets du Pentagone, est aujourd'hui un lieu comme un autre entièrement dévoré par les logiques du capital et de sa nécessaire reproduction.
Inoxtag est donc un homme-marchandise réifié de plus, suivi par des sujets paumés en quête d'identification et de distractions pour remplir une vie d'errance, et si ce portrait s'arrêtait là, il n'en vaudrait même pas ces quelques lignes que je viens d'écrire. Mais il se trouve que, pris par une "ambition" caractéristique de ces sujets-automates du web, il s'en est allé faire un documentaire sur sa ridicule expérience avec l'Everest.
Rappelons que l'Everest est depuis bien longtemps inclus dans une industrie du tourisme qui repose sur le travail de salariés spécialisés et que son ascension n'a rien d'exceptionnelle. Ce caractère exceptionnel est censé venir du fait que, Inoxtag étant une loque sans substance errant d'écrans en écrans, il s'agirait d'une prouesse.
En réalité et comme c'est toujours le cas avec ces marchandises humaines ayant accédées tôt à la notoriété, cette ascension est une gigantesque recension narcissique du petit nombril d'Inox, qui ne voit ce voyage que comme une valorisation de sa plus plate et pathétique existence. Rien ne l'intéresse si ce n'est le défi que cela représente pour lui.
Sans surprise, en parfait étendard de la conscience bourgeoise, il généralisera ce défi à l'ensemble de l'humanité : tout homme se doit de se dépasser (comprendre : réaliser des défis narcissiques pour socialement se valoriser aux yeux des autres), d'explorer le monde (comprendre : suivre les sentiers de l'industrie du tourisme et des lieux les plus instagrammables), de sortir des écrans. Au-delà de la stupidité fatigante qui est ici déployée, ce message n'est universel que dans la conscience fausse d'Inox, quand on sait que la majorité de l'humanité est dépossédée de son existence par un rapport de production induisant un rapport social qui en fait des automates salariés essorés dans leur force vitale par la course infiniment reconduite à la valorisation du capital. Mais cela induirait d'introduire les concepts de classe sociale, de mode de production, d'Histoire, de lutte des classes, et tant d'autres, qui sont parfaitement étrangers à un parfait aliéné biberonné au modernisme de la marchandise comme Inox.
Finalement, même d'un point de vue critique, ce documentaire ne nous apprend rien de ce que l'on ne savait pas déjà. Il sera oublié aussi vite qu'il est apparu, venant remplir les désormais débordantes poubelles de l'Histoire.