Rainer Werner Fassbinder en policier du futur, c'est-à-dire de l'Allemagne de 1989 vue depuis l'Allemagne de l'Ouest de 1982, c'est une sacrée pépite. Dans le rôle de l'inspecteur Jansen, il incarne un personnage (censé être) charismatique, toujours fourré dans son costume léopard. Aux côté de Günther Kaufmann, et avec une apparition de Franco Nero, voilà une bizarrerie à laquelle on ne peut pas raisonnablement s'attendre.
L'argument du film est comme souvent intéressant dans ces films d'anticipation : dans une société qui a rayé de la carte chômage, guerre et pollution, l'Allemagne est le pays le plus riche du monde et héberge une sorte de conglomérat économique qui règne en monopole sur tous les médias nationaux. L'idée est de décrire une société du divertissement permanent, presque imposé, à l'image de ces écrans de télévision qui passent en boucle une émission débile, une sorte de télé-réalité axée sur des concours de rire. L'emprise d'une multinationale toute-puissante, en quelque sorte, qui fait penser aux classiques de la littérature du genre et qui interpelle dans sa part de véracité quant au monde 35 ans après la sortie du film.
Mais toutes ces caractéristiques énumérées de manière un peu froide ne sont rien sans le cadre formel de ce "Kamikaze 1989", un sommet de kitsch renversant. L'univers graphique est au moins aussi déroutant que le déroulé du récit, le montage et l'interprétation. Il y a là une certaine homogénéité, sans doute... Mais l'immersion dans l'enquête teintée de paranoïa est quelque peu difficile, et cette société futuriste (dans laquelle la culture de légumes est interdite, au même titre que l'alcool, sans trop savoir pourquoi...) a vite fait de distiller ses quelques éléments intéressants. C'est tout un décorum passablement daté, un joli panel de détails tous plus kitsch et pop les uns que les autres (les années 80 dans toute leur splendeur). Le dernier rôle de Rainer Werner Fassbinder, donc : c'est assez triste.