Kaos est une fresque en 4 actes, 4 nouvelles, un prologue, un épilogue mettant en scène des récits de l'écrivain sicilien Luigi Pirandello. Les 4 récits se déroulent dans la Sicile profonde, celle des villages isolés et des montagnes arides. Ils ont tous en commun le trajet qui irait d'un acte de violence (physique ou morale) vers l'éclosion de la beauté (quelle qu'elle soit).
Il y a toujours, chez les Taviani cette notion du récit, de raconter une histoire, un conte du passé purement imaginaire, ou plus ancré dans le réel. Et c'est justement cette relation là, du réel à l'imaginaire, qui fait tout l'intérêt de leur mise en scène. Les Taviani filment la terre, de façon assez triviale, la poussière, le vent, mais également les hommes qui occupent ces territoires. Des bergers, des villageois. C'était la Sardaigne dans Padre Padrone et c'était très beau. Ici ils filment cette partie de la Sicile à merveille. Mais Ils se servent de ce socle réaliste pour faire surgir du fantastique, des élans poétiques.
Si ça fonctionne parfois, il y a de magnifiques fulgurances, il y a malgré tout, dans cette idée de mise en scène, d'autres moments plus laborieux, un peu trop construits.
Mais le film se conclut sur un épilogue sublime et bouleversant. On y voit Pirandello (incarné par un acteur) revenir sur ses terres, sur les terres de ses récits. C'est un retour vers le passé et la mémoire. Il retraverse les paysages et donc les décors de ses nouvelles, vers le fantôme de sa mère décédée. Dans un entretien surréaliste et poignant, elle lui raconte un moment de son enfance, son exil en bateau, et la merveilleuse bulle hors du temps, lorsqu'elle le bateau fit une halte sur l'île de la Pierre Ponce. Ici, la mise en scène des Taviani, le mélange réel/fiction, la force du récit, donne quelque chose de fabuleux, en état de grâce.