Docu fiction torturé
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WIlliam Keane transpire l’urgence. Celle de retrouver sa fille qu’il vient de perdre sur le quai d’une gare, celle de recréer l’évènement jusque dans ses moindres détails, celle de hurler désespérément au monde son impuissance. La caméra semble être collée à lui comme une mauvaise ombre dont on voudrait se débarrasser, s’attardant ainsi sur les détails de son expression et de ses gestes en perpétuelle ébullition. Rarement au cinéma on aura vu une caméra être à ce point assujettie au personnage qu’elle tente de filmer – jusqu’au point d’avoir parfois du mal à le suivre.
L’ambiance est urbaine et crasseuse, comme le résultat d’un croisement improbable entre l’esthétique réaliste des frères Dardenne et les déambulations nocturnes des personnages de Cassavetes. Pourtant, ce cadre réaliste apparent n’est là que pour mieux servir d’espace scénique à un homme dont la vision du monde et du réel se dérobe peu à peu à mesure qu’il tente de s’en saisir. Kerrigan montre que le chemin pour parvenir à la vérité n’est pas éloigné de celui qui mène à la folie. William Keane, comme un funambuliste au-dessus de l’abyme qui le scrute, tente désespérément de lutter contre la folie qui le gagne, tout en reconstituant le puzzle des évènements qui ont conduit à la disparition de sa fille. Comment mieux représenter la solitude d’un homme qu’en le représentant au sein d’un monde saturé de personnes ? Car le thème du film est bien là : celui de représenter la solitude d’un homme à qui l’on a tout volé et qui essaie pourtant de saisir à bras le corps cette vérité qui lui échappe. Durant tout le film il ne cessera de recréer cet instant fugace (celui du kidnapping de sa fille), de transformer ce qui a été en ce qui aurait dû être, de reconstruire sa vie comme on construirait une fiction – c’est à dire sans être totalement convaincu par sa véracité.
Si le film vaut surtout pour le jeu de son acteur principal (un Damien Lewis intense et effervescent, dont on a bien du mal à le voir endosser prochainement le costume seyant de James Bond), il n’en demeure pas moins un objet singulier, d’une densité folle, dont on ne ressort pas indemne. Un film à la folie contagieuse, qui semble nous glisser entre les doigts à mesure qu’on le regarde. Un film à voir vite… vite… vite… vite… vi…
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Créée
le 17 févr. 2016
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