Attention, gros gros film. Je connaissais Keoma de réputation, c'est-à-dire qu'il s'agissait du dernier grand western italien qui devenait un genre en train de mourir au cinéma. On pensait que Keoma pouvait le sortir de cette misère mais ce ne sera malheureusement pas le cas. Il s'agissait vraiment du dernier chant du cygne du genre. Il a fallu qu'un magasin belge fasse faillite pour que je me procure ce film à moitié prix, alors qu'il ne coûtait déjà pas cher, malgré le fait qu'il vienne de la prestigieuse collection "Les Introuvables" de Wild Side Video. Je dois bien avouer qu'avant même l'avoir vu, j'étais content de ma trouvaille, vu que c'est revenu à moins cher que tout ce qu'on trouve comme films récents dont le prix est diminué à moins de 8€.
Certes, assez parlé de ma vie, il est temps d'en venir à l'oeuvre elle-même, signée Enzo G. Castellari. Le metteur en scène italien ne s'en cache pas, il fait référence à des grands du genre, officiant déjà avant lui ou en même temps que lui: Leone, Corbucci, Ford sont des exemples que l'on peut aisément tirer. Pourtant, l'oeuvre parvient à se créer une personnalité totalement propre. Il va vraiment voir à gauche et à droite et tire de tout cela un western-spaghetti à sa propre sauce. Impressionnant.
Ensuite, son personnage principal, Keoma donc, est très clairement légendaire. Seul survivant d'un massacre de colons blancs contre des Indiens, il a été sauvé par une sorcière qui apparaît à chaque fois que la mort est proche. Ses apparitions sont totalement surréalistes, arrivant parfois à des moments où l'on s'y attends le moins. De plus, Keoma revient dans sa ville, en ne sachant rien de ce qu'il a fait entre la guerre de Sécession et son retour. On est à mon sens dans un conte mais à la mode western. Castellari se fera bien de nous le rappeler avec certaines scènes.
L'un des moyens est les ralentis que le metteur en scène use et abuse dans son oeuvre. Ca donne une aura particulière au film mais aussi à Keoma qui apparaît alors comme un tireur très rapide alors que ses adversaires en sont encore en train de tomber que lui a déjà ranger son colt. Le montage est également très audacieux. On peut par exemple voir Keoma arriver dans sa maison d'enfance et jeter un regard qui le fait voir enfant avec ses trois demis-frères. Certaines séquences sont ainsi coupées temporellement avec des moments où le cinéaste revient en arrière. Ces coupures et ces flash-backs coupent le présent diégétique.
Venons-en sur le fond. La référence biblique est très impressionnante. Keoma, c'est Jésus. Un être qui ressuscite, venant de nul part, dans le but de sauver les villageois de vilains gangsters. C'est surtout sur la fin que notre homme est très clairement comparé au Christ quand ses demis-frères le pendent à une roue, les bras en forme de croix. Et comme le Messie, les villageois en viennent presque à le renier. Keoma repartira donc. Pour ne jamais revenir?
Les villageois, atteints de la peste, sont également mis à l'écart dans des camps. Ca rappelle un peu les camps de concentration. Les nazis étaient aussi surnommés la peste brune dans les années 40. Doit-on y voir un regret de la part de Castellari d'avoir vu son pays collaborer avec ces gens? Sans doute.
Je vais pas non plus vous ennuyer longtemps avec les acteurs qui sont tous charismatiques au possible, que les décors sont somptueux, que la musique est vraiment hypnotique et rajoute énormément d'aura au film. Keoma s'interroge aussi sur la paix, la guerre, la liberté entre les hommes, qu'être noir et libre ne veut pas dire avoir du respect, surtout au 19ème siècle et après la guerre civile américaine.
Il est dommage de voir que ce western est un peu trop oublié aujourd'hui, car rien ne m'a déplu, il fait même partie des rares films dont j'ai été capable de revoir le lendemain sans m'ennuyer une seule seconde. Je m'avance peut-être trop en disant ça mais c'est pour moi un des meilleurs westerns jamais fait et c'est sans aucun doute mon favori. Inoubliable et immanquable.