Keoma
7.2
Keoma

Film de Enzo G. Castellari (1976)

Attention, gros gros film. Je connaissais Keoma de réputation, c'est-à-dire qu'il s'agissait du dernier grand western italien qui devenait un genre en train de mourir au cinéma. On pensait que Keoma pouvait le sortir de cette misère mais ce ne sera malheureusement pas le cas. Il s'agissait vraiment du dernier chant du cygne du genre. Il a fallu qu'un magasin belge fasse faillite pour que je me procure ce film à moitié prix, alors qu'il ne coûtait déjà pas cher, malgré le fait qu'il vienne de la prestigieuse collection "Les Introuvables" de Wild Side Video. Je dois bien avouer qu'avant même l'avoir vu, j'étais content de ma trouvaille, vu que c'est revenu à moins cher que tout ce qu'on trouve comme films récents dont le prix est diminué à moins de 8€.
Certes, assez parlé de ma vie, il est temps d'en venir à l'oeuvre elle-même, signée Enzo G. Castellari. Le metteur en scène italien ne s'en cache pas, il fait référence à des grands du genre, officiant déjà avant lui ou en même temps que lui: Leone, Corbucci, Ford sont des exemples que l'on peut aisément tirer. Pourtant, l'oeuvre parvient à se créer une personnalité totalement propre. Il va vraiment voir à gauche et à droite et tire de tout cela un western-spaghetti à sa propre sauce. Impressionnant.
Ensuite, son personnage principal, Keoma donc, est très clairement légendaire. Seul survivant d'un massacre de colons blancs contre des Indiens, il a été sauvé par une sorcière qui apparaît à chaque fois que la mort est proche. Ses apparitions sont totalement surréalistes, arrivant parfois à des moments où l'on s'y attends le moins. De plus, Keoma revient dans sa ville, en ne sachant rien de ce qu'il a fait entre la guerre de Sécession et son retour. On est à mon sens dans un conte mais à la mode western. Castellari se fera bien de nous le rappeler avec certaines scènes.
L'un des moyens est les ralentis que le metteur en scène use et abuse dans son oeuvre. Ca donne une aura particulière au film mais aussi à Keoma qui apparaît alors comme un tireur très rapide alors que ses adversaires en sont encore en train de tomber que lui a déjà ranger son colt. Le montage est également très audacieux. On peut par exemple voir Keoma arriver dans sa maison d'enfance et jeter un regard qui le fait voir enfant avec ses trois demis-frères. Certaines séquences sont ainsi coupées temporellement avec des moments où le cinéaste revient en arrière. Ces coupures et ces flash-backs coupent le présent diégétique.
Venons-en sur le fond. La référence biblique est très impressionnante. Keoma, c'est Jésus. Un être qui ressuscite, venant de nul part, dans le but de sauver les villageois de vilains gangsters. C'est surtout sur la fin que notre homme est très clairement comparé au Christ quand ses demis-frères le pendent à une roue, les bras en forme de croix. Et comme le Messie, les villageois en viennent presque à le renier. Keoma repartira donc. Pour ne jamais revenir?
Les villageois, atteints de la peste, sont également mis à l'écart dans des camps. Ca rappelle un peu les camps de concentration. Les nazis étaient aussi surnommés la peste brune dans les années 40. Doit-on y voir un regret de la part de Castellari d'avoir vu son pays collaborer avec ces gens? Sans doute.
Je vais pas non plus vous ennuyer longtemps avec les acteurs qui sont tous charismatiques au possible, que les décors sont somptueux, que la musique est vraiment hypnotique et rajoute énormément d'aura au film. Keoma s'interroge aussi sur la paix, la guerre, la liberté entre les hommes, qu'être noir et libre ne veut pas dire avoir du respect, surtout au 19ème siècle et après la guerre civile américaine.
Il est dommage de voir que ce western est un peu trop oublié aujourd'hui, car rien ne m'a déplu, il fait même partie des rares films dont j'ai été capable de revoir le lendemain sans m'ennuyer une seule seconde. Je m'avance peut-être trop en disant ça mais c'est pour moi un des meilleurs westerns jamais fait et c'est sans aucun doute mon favori. Inoubliable et immanquable.
batman1985
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 Années 1970, Ces oeuvres rares (ou non) qui mériteraient d'être bien plus vues et

Créée

le 6 mai 2011

Critique lue 788 fois

3 j'aime

batman1985

Écrit par

Critique lue 788 fois

3

D'autres avis sur Keoma

Keoma
TheMrOrange
8

Critique de Keoma par TheMrOrange

Maitre d’oeuvre du dernier grand western spaghetti, Castellari réussit l’exploit de s’approprier un genre écumé en long en large et en travers. L’usage récurent du ralentis, suggérant une rapidité de...

le 6 févr. 2014

6 j'aime

Keoma
Caine78
7

Critique de Keoma par Caine78

C'est vrai que ce n'est pas du Sergio Leone ce « Keoma », que Franco Nero n'est pas Clint Eastwood et que la musique (Keoooooooooooommmmaaaaaa) pas loin de l'insupportable n'est pas du Ennio...

le 29 mars 2018

5 j'aime

Keoma
cineMANbis
8

Le frère de Django ?

Quiconque apprécie les sublimissimes westerns des deux grands Sergio (Leone et Corbucci) prendra plaisir à ce jubilatoire "Keoma", probablement la meilleure réalisation de Castellari (un grand...

le 6 déc. 2019

4 j'aime

Du même critique

Manhattan
batman1985
5

Je n'accroche décidément pas...

Je vais certainement me faire encore des détracteurs quand j'attaque du Woody Allen et notamment un des film important du cinéaste. Je vais pourtant tenter, une fois encore, d'expliquer ce qui ne me...

le 9 juil. 2012

51 j'aime

1

La dolce vita
batman1985
5

Critique de La dolce vita par batman1985

Ah cette Dolce Vita, dur dur de passer à côté quand on se dit cinéphile. D'autant que la réputation de ce film est grande. Récompensé par une palme d'or à Cannes, l'oeuvre de Fellini est un...

le 6 mai 2011

44 j'aime

4

Le Grand Rasage
batman1985
9

Critique de Le Grand Rasage par batman1985

Voilà probablement l'un des plus grands court-métrage de tous les temps! Une oeuvre formidable de quelques minutes qui dénonce, sans jamais qu'on ne la voit, la guerre du Vietnam. Pas une seule...

le 6 mai 2011

40 j'aime

4