Chaos, confusion et cauchemar au cœur du complot des blouses blanches

Sans l'ombre d'une hésitation, voilà un grand film de grand malade. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la découverte du monde selon Alexeï Guerman ne s'est pas faite en douceur, dans la joie et la bonne humeur... 2h20 dans un noir et blanc âcre, une plongée dans l'URSS à la veille de la mort de Staline, au cœur du complot des blouses blanches. Un cauchemar poisseux dont on ne sortira jamais, un environnement saturé de bordel en tous genres, avec ce soupçon d'humour absurde qui empêche le film de tomber dans le sordide et le macabre pur jus.


Le récit en partie autobiographique se place en 1953, derrière les épaules larges de l'immense Général Klensky (Yuriy Tsuliro), un ancien membre de l'Armée rouge. Ce sera le seul point fixe, le seul référentiel de ces deux heures et quelques noyées dans les derniers moments de l'ère stalinienne. Docteur et neurologue, sa vie est un chaos autant chez lui qu'à l'hôpital : les foutoirs respectifs sont directement tangibles et l'immersion (autant que le malaise) est instantanée. Il sera arrêté au cours d'une purge antisémite, envoyé au goulag après un transfert difficilement oubliable, pour finalement être amené au chevet de Staline lui-même, présenté comme un vieillard agonisant dans sa propre merde, dans le but de le sauver. La dernière note se situe dans un train, sans horizon, sans but, filant vers on ne sait où.


Le grotesque de Khroustaliov, ma voiture!, phrase prononcée par un personnage l'instant suivant la mort de Staline, met mal à l'aise. On a l'impression d'être constamment dans un hôpital psychiatrique, dans les maisons, dans les rues. Toujours quelqu'un pour crier, cracher, vomir, tousser, ou picoler. Il m'est bien difficile de déchiffrer le sens profond de l'intégralité du film : on se laisse seulement porter, désagréablement, par le flot de la semi-métaphore de cette ère décadente. La patience est mise à rude épreuve, mais au terme du voyage, il y a très peu de regrets. Le tableau cauchemardesque de l'URSS, sous la forme d'une descente aux enfers du protagoniste, ne laisse pas indemne. L'univers graphique est parfaitement maîtrisé, avec ses longs couloirs sinistres, ses décors labyrinthiques, ses obstacles omniprésents, ses soliloques qui seulement parfois font sens. Ça grouille de partout, dans un sentiment d'abondance baroque.


Cet univers fait de chaos et de confusion, cette expérience sensorielle faite de violence et de folie, cet élan aussi sauvage qu'ambitieux, ne peuvent laisser qu'en état de choc, mi-sidéré, mi-dégoûté.


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Morrinson
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le 13 janv. 2019

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Morrinson

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