Un cadre photo. Un lecteur CD. Une petite voiture. Des objets domestiques filmés en plan fixe et montés successivement. C’est ainsi que s’ouvre le nouveau film de la cinéaste belge Fien Troch : Kid. Ce-dernier suit le personnage éponyme, un petit garçon vivant dans une exploitation agricole en faillite avec son grand frère Billy et leur mère neurasthénique. Du haut de ses sept ans, il va devoir affronter de terribles épreuves et tout faire pour rejoindre sa mère.
Cette ouverture montre clairement la référence de plan de la réalisatrice : le long plan fixe, qui sera systématisé au cours du film. Ce type de plan est une sorte de nature morte contemporaine qui trouve son germe dans l’art flamand d’un Jacob van Es ou encore d’un Willem Claeszoon Heda. Mais plus qu’à la peinture, c’est à la photographie que l’on pense – d’ailleurs, les derniers plans du film sont des arrêts sur image – devant cette 1h30 de plans superbement composés. Chez Troch, Carrefour devient un lieu étrange sublimé et glacé par un cadre précis et géométrique.
Car il y a bien une étrangeté qui se dégage du film, notamment dans le traitement sonore. En effet, un bourdonnement continu presque imperceptible – qui n’est pas sans rappeler le travail du duo Lynch-Badalamenti – installe une tension et crée une bulle temporelle. A cela s’ajoutent des chœurs russes sans rapport apparent avec le récit, ainsi que le mutisme des personnages. Il est donc clair que la réalisatrice refuse la facilité et l’évidence. C’est pourquoi elle choisit de filmer à certains moments des personnages confrontés à des drames dans des grands espaces ensoleillés, ou bien d’intégrer de la légèreté à l’intérieur de cette histoire pesante (les blagues de Billy, l’innocence des enfants, et surtout le personnage du copain à lunettes qui se coince la tête sous une racine). De même, elle sort du système qu’elle avait créé par le biais de travellings suivant Kid dans ses moments d’évasion en pleine nature, ou encore des scènes totalement gratuites qui ne font pas avancer l’action (Kid chez un couple de voisins).
De plus, la réalisatrice ne prend pas le spectateur par la main. Elle entretient une relation froide et distante avec lui, à l’instar des personnages eux-mêmes. Ainsi, le titre du film aurait pu être Incommunicabilité tant les personnages ne dialoguent pas : littéralement mais aussi cinématographiquement. En effet, il n’y a quasiment aucun champ – contrechamp, procédé qui fait justement communiquer les termes, les personnages.
De cette manière, Troch réalise le film de l’épuration : elle se libère des dialogues, des mouvements, des figurants… Ne reste que le cinéma (celui auquel assistent Billy et Kid (Billy the Kid ?) à travers la fenêtre de leur cuisine). Le cinéma pur.