Si trouver la définition du cinéma que j'aime est toujours aussi dur, j'ai en revanche une bonne idée du cinéma avec lequel j'ai beaucoup de mal, à savoir les films sur les jeunesses occidentales débauchées. Déjà Larry Clark me les avait brisées dans Smell of Us cette année (la qualité du film y était pour beaucoup), mais en fait sa collaboration dans Kids avec Korine avait déjà atteint quelque chose d'assez exaspérant dans le même style.
Tout est à leur honneur de tenter de montrer ces jeunes avec une part de vérité. En cela le film est assez fort et réussi, parce que pour être clair, même si leur description paraît exagérée, franchement ces gamins, j'y crois. Et ça fait peur. Leurs excès de consommation de drogue, leur tempérament violent-détaché, leur instinct grégaire, leur radicalisme dans la bêtise, cette manie de penser constamment au sexe, donc cette image d'êtres déshumanisés, inanimés, et aliénés aux plaisirs simples, hyperaccessibles et destructeurs, j'y crois. Il n'empêche que devoir se les coltiner pendant une heure et demi, c'est une autre histoire...
On ne voit qu'eux à l'écran. Et c'est horrible, purement horrible de se prendre en plein visage une sorte de vérité insupportable. Ce n'est pas une forme de déni que de dire ça, mais de pur intérêt cinématographique : on sait que ces gars-là existent, mais est ce pour autant agréable ?
On sent qu'on est censé sentir de l'empathie pour eux... Mais ces gars-là sont tellement détestables que finalement c'est pas évident...
Alors peut-être que c'est monstrueux de dire ça, parce que c'est ignorer le possible message du film (du moins ce que j'ai compris), qu'ils sont abandonnés, qu'ils sont laissés pour compte, et que le coupable est la société qui les a créés, eux ne sont que victimes (sans que le film prenne directement partie pour eux ou les déresponsabilise)... Mais bon, des gars qui passent leur temps à boire, dépenser leur argent en drogues en tout genre, qui tabassent des gars à 15 contre 1, se tapent des vierges, et ne montrent aucune émotion humaine, bah j'ai pas envie de ressentir quoi que ce soit pour eux.
Le film prend quand même un angle complexe qui semble être bien la maîtrise de Clark et Korine, mais, étrangement, il bascule dans la facilité avec le personnage de Sévigny, qui semble être le seul personnage sympathique de ce monde, le plus « gentil » dans tous les sens du termes, et qui pourtant est la seule qui en paie véritablement les pots cassés. La victimisation facile dont elle fait l'objet contraste assez avec le message du film qui aurait peut être eu davantage intérêt à se concentrer uniquement sur les autres gamins, parce que là on aboutit à mélanger les victimes, et quelque part à devoir les hiérarchiser, ce qui au fond est assez malsain.
Bref c'est un film vraiment intéressant pour les images qu'il montre, un film radical qui brosse pas le spectateur dans le sens du poil, mais auquel il est dur de s'attacher.