Trop occupé à finaliser son Totoro, le cinéaste Hayao Miyazaki confia dans un premier temps cette adaptation d'un roman de Eiko Kadono à Sunao Katabuchi (qui avait travaillé sur l'animé Sherlock Holmes) et au scénariste Nobuyuki Isshiki. Mais peu satisfait du scénario et inquiet quant au succès potentiel du film, le papa de Chihiro décida finalement de le mettre lui-même en scène, conservant Katabuchi comme assistant.
Souvent considéré comme un long-métrage mineur dans la carrière de Miyazaki, réservé aux mômes, Kiki est au final bien plus intéressant qu'il ne parait, recelant en lui une poignée de merveilles qu'il serait dommage de balayer d'un revers de la main sous prétexte qu'il est orienté jeune public. S'il est effectivement loin de la future flamboyance d'un Mononoke ou du foisonnement du superbe Château ambulant, Kiki est loin d'être une simple récréation enfantine entre deux chefs-d'oeuvres.
Plus proches des enjeux humains et intimistes de Totoro que de l'ampleur de Naussicaa ou de Laputa, Kiki s'intéresse au passage délicat de l'enfance à l'adolescence, mettant en scène avec une incroyable délicatesse l'émancipation d'une attachante petite sorcière qui devra faire ses preuves dans le monde des adultes, assumer à la fois sa condition tout autant que la jeune femme qu'elle deviendra.
Une thématique qui s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Miyazaki, tout comme le cadre européen de l'histoire et cet amour pour le travail bien fait, l'auteur ayant toujours pris soin de mettre en avant les vertus de l'effort et de l'autonomie. A cela pourrait s'ajouter un miroir assez troublant sur la création, les doutes de l'héroïne pouvant très bien se rapprocher de ceux d'un studio encore jeune et qui parviendra définitivement au sommet grâce au succès du film.
Touchante fable sur l'importance de prendre son destin en main sans jamais renier ses origines, Kiki est également un long-métrage formellement éblouissant, une véritable petite merveille d'animation entièrement réalisée à l'ancienne, à une époque où l'on commençait tout juste à entrevoir les possibilités de l'outil numérique. D'une force tranquille exemplaire, peut-être un peu long mais jamais ennuyant, Kiki est une réussite de plus au milieu d'un océan d'oeuvres remarquables.