On sait tous désormais que "Kiki la petite sorcière" est un Miyazaki mineur par rapport aux habituels chefs d’œuvre du grand maître, qu'il n'a pas la force d'un "Totoro" - sans doute le film de Hayao Miyazaki dont il se rapproche le plus, de par la manière dont le merveilleux côtoie le quotidien avec une simplicité lumineuse. Pourtant ce film à l'humeur curieusement folâtre et relâchée, sans grands enjeux narratifs, bénéficie d'un personnage mémorable : Kiki, cette épatante pré-adolescente, éprise d'indépendance et de libre arbitre, restera assurément l'une des plus craquantes héroïnes du maître, chantre inspiré de la féminité. Saluons aussi l'introduction (le départ de la petite sorcière) aussi bouleversante que les meilleurs moments de "Chihiro", et la spectaculaire et haletante scène de sauvetage final. Et puis, comme toujours, et mieux que personne, Miyazaki sait nous faire boire l'air pur, sentir le frémissement des forêts, nous émerveiller devant l'immensité de l'océan, et ces sensations-là n'ont pas de prix.
Par contre, à revoir "Kiki, la petite sorcière" avec plus de recul, on réalise combien le film s'inscrit logiquement dans la partie "aéronautique" de la filmographie de Miyazaki : on peut le regarder désormais comme une célébration éperdue du miracle du vol, qu'il soit "naturel" (mais pas évident pour autant) comme celui de la petite sorcière qui se joint aux oiseaux, ou "technologique" comme celui, encore plus difficile, des pionniers de l'aviation et des fragiles et colossaux dirigeables. Le placer ainsi dans la perspective de "Porco Rosso" et de "le Vent se Lève" lui confère une profondeur qui n'était pas si évidente à première vue. [Critique écrite en 2004, 2005 et complétée en 2017]