Kill, mis en scène par Nikhil Nagesh Bhat (Hurdang, Saluun), c’est la nouvelle sensation indienne, qui s’est taillé une jolie réputation durant de nombreux mois dans les festivals et qui a été un succès immédiat à sa sortie en salles un peu partout dans le monde, les américains de Lionsgate faisant partie des producteurs et facilitant l’exploitation en dehors du pays d’origine. Ce succès, il est aussi bien critique que public, au point que Lionsgate eux-mêmes ont annoncé, trois jours avant la sortie cinéma aux Etats-Unis, qu’un remake américain sera bientôt sur les rails. Le public ne manque pas d’éloges envers le film, balançant toutes sortes de superlatifs, et même notre presse spécialisée s’emballe puisque l’affiche officielle cite le célèbre magasine Première en disant « Le prétendant au meilleur film d’action de l’année ». Après visionnage du film, je m’interroge. Soit l’exotisme d’un film indien qui sort des tropes du cinéma bollywoodien semble faire plaisir à tout le monde qui à vendre un peu trop le produit, soit ces mêmes personnes n’ont clairement pas vu assez de bobines du genre et s’emballent donc de la découverte. Alors c’est bien de s’emballer, c’est signe que le film a fait le taf sur le bon public. Mais si on se pose deux secondes, Kill trouve rapidement ses limites.
Le film commence comme un sauvetage romantique mais va rapidement se transformer en une boucherie presque burlesque lors des bandits dans un train décident de mettre le bordel et que notre gentil héros va s’énerver et commencer à dégommer des têtes avec tout ce qui lui passe sous la main. Notre héros, joué par Lakshya est un commando militaire de la NSG (National Secutiry Guard) avec la gamme émotionnelle d’une brique et les muscles d’un bodybuilder qui a suivi son amour de jeunesse Tulika dans un train à destination de New Delhi dans l’espoir de la sauver des horreurs d’un mariage arrangé. Pas de chance, il se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et leurs retrouvailles sont rapidement perturbées par une horde de bandits armés de marteaux et/ou de divers ustensiles de cuisine à lame. Est-ce que notre commando et son meilleur ami militaire vont parvenir à déjouer le plan des bandits ? Est-ce que le méchant très méchant séduisant mais menaçant peut-il éclipser notre héros par son charisme ? Combien d’ustensiles de cuisine peuvent être incrustés dans le crâne des bandits ? Ce sont les questions auxquelles Kill va tenter de répondre. Kill est une course en avant dans l’ultra-violence, plantant son décor très rapidement en 15 minutes pour se lancer doucement dans de la baston dans un train. De la baston gentillette qui, au bout de 45 minutes, lorsque l’écran titre KILL apparait enfin à l’écran suite à l’élément déclencheur, va passer la seconde et devenir une joyeuse boucherie où des membres sont pétés, des têtes écrasées à coups d’extincteur et où on va tester la résistance du corps humain à tout sorte d’objets plus ou moins pointus pour le plus grand plaisir des amateurs d’ultra violence, voire de gore. Sur le papier, c’est canon. Mais la réalité est plus nuancée. Car oui, Kill est un divertissement bourrin sympathique et qui plaira même aux plus réfractaires du cinéma hindi étant donné qu’on est ici dans quelque chose à cheval entre les films d’action américains façon John Wick ou Nobody, le cinéma coréen façon Old Boy ou A Man From Nowhere, s’inspirant en plus du cinéma indonésien et de films tels que The Raid ou The Night Comes for Us. Kill détourne les codes du cinéma indien pour s’ouvrir à un public de néophytes. Mais il a quand même pas mal de problèmes.
Déjà, le choix du train est à double tranchant. D’un côté, comme ces trains indiens n’ont pas beaucoup d’espace, ils deviennent rapidement claustrophobique, accentuant ce sentiment d’urgence de la fuite en avant que met en scène le scénario. D’un autre côté, ce manque de place devient problématique pour la mise en scène pure, surtout quand on met 40 sbires en même temps en face du héros dans le même wagon. Rapidement, on a l’impression que le réalisateur ne savait pas forcément où placer sa caméra pour filmer ce joyeux bordel, et certains cadrages deviennent maladroits, pour ne pas dire ratés comme si, en positionnant la caméra dans un endroit exigu, il n’y avait pas assez de place autour d’elle pour suivre correctement l’action. Ce surnombre quasi constant dans un si petit espace amène également des chorégraphies très simples, façon combat de rue, et si certaines mises à mort sont très brutales et même jouissives, ça devient rapidement répétitif, très répétitif. Si on rajoute en plus des personnages qui ont des comportements qui n’ont parfois aucun sens (pour ne pas dire parfois idiot), aussi bien du côté des gentils que de celui des méchants, cela gâche un peu l’expérience. Autre chose empêchant d’apprécier correctement ces combats barbares, le montage est trop cut, niusant parfois à la fluidité de l’ensemble, et rapidement toute cette ultra violence, aussi jouissive qu’elle peut être en fonction du ressenti de chacun, est un peu vaine. En fait, Kill est soit plein d’idées qu’il n’exploite pas, soit plein de fausses bonnes idées qu’il exploite. Par exemple, le scénario se lance à fond les ballons pour direct rentrer dans le vif du sujet mais il ne démarre réellement qu’à mi-film. Il met de temps à autres des scènes dramatiques pour accentuer la tension, mais elles sont trop forcées et exagérées. Il est décidé de réduire la durée du film comparé à la très grosse majorité de la production indienne actuelle, mais malgré cela le film reste encore trop long pour ne pas devenir rapidement redondant. Lakshya, qui interprète le héros qui déboite des mâchoires s’en sort dès qu’il faut montrer les muscles, mais il ne marque jamais les esprits à cause de son manque de charisme, tout l’inverse de Raghav Juyal, le grand méchant de l’histoire, qui avec son côté tête à claque est déjà nettement plus mémorable.
Bien que sympathique, en particulier pour qui aime l’action bien bourrine et sanglante, Kill reste malgré tout une déception. Malgré sa courte durée, il en arrive à devenir redondant, d’autant plus que son action n’est au final pas si attrayante.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-kill-de-nikhil-nagesh-bhat-2024/