Avec sa caméra épaule constante et souvent mal gérée, sa voix off envahissante, une mise en scène majoritairement illustrative et son lot de scènes foireuses, Get the gringo mériterait largement sa place au rayon des nanars estampillés Steven Seagal s’il n’était pas en contrepartie porté par un personnage jouissivement badass, un scénario béton et une vision du monde propre à l’auteur officieux du long-métrage : Mel Gibson. Producteur, scénariste et acteur principal, la star alors fraîchement ostracisé par Hollywood poursuit, sans jamais s’en excuser, sa profession de foi cinématographique, mêlant une vision du monde et de la nature humaine dans la droite ligne de La Passion du Christ et Apocalypto, des personnages ainsi qu’une imagerie au parfum old school convoquant les heures de gloire de la star déchue de L’Arme Fatale à Payback. Get the gringo concentre la quasi totalité des obsessions de l’acteur/réalisateur : Vision de l’Eden et de l’enfer que le "héros" doit traverser pour accomplir sa mission, les puissants corrompus qui usent de leur pouvoir et asservissent le bas peuple dans le but de conserver leur pouvoir, puissants cherchant à éliminer le héros gibsonien qui s’oppose à eux, figure paternelle absente (dans le cas de l’enfant) ou dysfonctionnelle avec laquelle le héros est en conflit (dans le cas du personnage de Gibson), le tout compris dans ce que l'on pourrait rapprocher d'une fin de civilisation (fermeture de la prison)… Bref, c’est du Gibson dans le texte, cela ne fait pas un pli. El pueblito est ainsi décrit comme un petit monde sous cloche, une mini-société pourrie jusqu’à l’os qui n’est pas sans rappeler la vision d’une civilisation en pleine décadence décrite dans Apocalypto, avec qui il partage également l’idée du sacrifice assurant la pérennité d’une élite gouvernante nocive. Outre cette vision du monde et des civilisations on ne peut plus gibsonienne, Get the gringo se vend avant tout comme un bon vieil actioner qui tâche, et forcé de constater que sur ce point, le réalisateur est au rendez-vous avec un film qui va au bout de son concept. Fort d’un scénario bien écrit et ultra-efficace mâtiné de Shane Black, Get the gringo se présente comme une nouvelle occasion pour Mel Gibson de réfuter un quelconque acte de contrition en adressant un nouveaux doigt d’honneur à une industrie de plus en plus lisse qui l’a sans scrupule mit à l’index. Avec des personnages bien écrits et développés et une alchimie parfaite entre l’enfant et le gringo du titre qui entraîne par moments le film sur le terrain du buddy movie, Get the gringo finit par prendre aux tripes au cours des séquences graphiques et dérangeantes à souhait. Ainsi, malgré une réalisation loin d’être à la hauteur signée Adrian Grünberg et certains passages tout bonnement foireux, le long-métrage se voit littéralement sauvé de l’abîme du DTV seagalien par un Mel Gibson qui impose son charisme, son sens de l’écriture et sa vision désenchantée pour faire de ce film en apparence sans prétention un idéal de série B énervée, old school et viscérale, un divertissement ultra-efficace, âpre, sans concessions et véritablement transgressif qui prend des allures de bras d’honneur de sale gosse lancer à la gueule de la dictature du politiquement correct et du prêt à penser hollywoodien. Ainsi, si je mettrais ma main à couper que la présence de Mel Gibson voir d'un Shane Black derrière la caméra aurait hissé le film au rang d'incontournable du cinéma d'action, il va de soit que les fans d'action bourrine sauce eighties et inconditionnels de ce cher Mad Mel seront tout de même ravis : les premiers de constater qu’il y a encore des artistes en ce bas monde soucieux d’un public de plus en plus marginalisé, et les seconds de se rassurer sur la position d’un Gibson qui réaffirme sans vergogne sa profession de foi cinématographique.