Cendrillon aux pays des Démons bouseux.
Six ans après son magnifique "Bug", Friedkin nous envois un nouvel "ofni" ("objet filmique non identifié" pour les non-initiés) en pleine tronche, et en profite pour nous rapeller que non, l'âge (77 piges quand même...) ne l'assagit décidément pas.
"Cendrillon chez les rednecks", ou quand le conte de fée tourne au cauchemard.
Beaucoup de spectateurs sont passés à côté du second degré du film.
Comment peut-on en effet garder son sérieux devant des scènes aussi furieusement barrées que celle, entres autres, du "pillon de poulet" ??
"Polar noir chez les bouseux" certes, mais pas que: "Killer Joe" est aussi une redoutable comédie noire et désepérée sur la condition humaine.
Le véritable talent de Friedkin consiste ici à balader le spectateur entre trois genres: polar, film d'horreur(s) et comédie.
"Killer Joe" est tout ça à la fois.
Faut-il en rire ou en pleurer ?
Faut-il compatir avec les personnages, ou ceux-ci sont ils définitivement irrécupérables ?
On serait tenté de dire qu'il n'y a plus rien à sauver chez personne, tant il semble que Friedkin ait perdu toute foi en l'"humanité".
Il n'y a d'ailleurs dans "Killer Joe" personne à hair ou à pleurer.
Si des espoirs en cette humanité subsistaient dans d'autres oeuvres aussi ambigues que "French Connection" ou "L'Exorciste", Friedkin n'éprouve désormais plus aucune empathie pour ses personnages.
Reflet de l'évolution de notre société ?
"Killer Joe" dépasse son simple statut de farce grotesque et nilihiste par le fait que Friedkin pousse ici son rapport au mal, pillier de quasiment toute sa filmographie, dans ses derniers retranchements.
De la part d'un cinéaste n'ayant plus rien à prouver, de telles oeuvres coup de poing sorties de nulle part sont infiniment précieuses.
Politiquement incorrectes, totalement barrées, trash, drôles, terrifiantes...mais toujours mises en scènes avec une classe infinie.
"Killer Joe" est l'énorme bras d'honneur - gageons qu'il en garde encore quelques-uns sous le coude - du dernier cinéaste de sa génération n'ayant pas peur de gratter là ou ça démange.
Et il faut avouer que ça fait du bien par ou ça passe.