“This is lovely. Now, who would like to say grace ?”
Série B, polar de la lose, Killer Joe met en scène une famille où la cruauté tente de l’emporter sur la bêtise. Sur un canevas éculé, qui peut faire penser à Fargo, (souvent très drôle, d’un humour noir acerbe et décapant ) on privilégie la caractérisation des personnages, que le spectateur aimerait pouvoir rapidement caser dans sa logique manichéenne habituelle. L’intérêt du film est de nous empêcher de le faire. Dans une vision très cynique du relativisme, le scénario donne ses raisons à chacun, un code qui pourrait presque être cohérent au vu de la raclure humaine avec laquelle il est obligé de frayer.
La réalisation est impeccable, fondée sur la durée et l’étirement, épuisante pour les nerfs des personnages qui craquent un à un, pour ceux des spectateurs qui se laissent prendre.
Déclinaison habile autour des rites du quotidien, notamment le repas, la pièce dont est issue le film joue constamment sur le clivage et invite à regarder la race humaine comme une espèce étrange, prévisible dans ses appétits et effrayante dans ses capacités à les satisfaire.
La mignonne adolescente, victime désignée, va devenir le véritable butin du film dans un enchainement de paliers de violence et de perversion qui n’arrêtent jamais le réalisateur.
Matthew McConaughey, qui s'est décidé en 2011 à faire des bons films, est extraordinaire de contenance et de perversion.
La farce grotesque, totalement assumée, qui clôt le film pourrait en gâcher le propos par un trop plein d’outrance. Il n’en est rien. A ce stade de l’intrigue, hypnotisés par les deux grands vainqueurs de ce jeu de dupes attardés, le flic et la jeune fille, on attend de voir exploser à l’écran ce qu’ils étaient jusqu’alors les seul à habilement dissimuler, et qui nécessite un rite cathartique paroxystique.