Œuvre magistrale de Scorsese qui à mon sens aurait pu être un chef d’œuvre sans ces quelques longueurs en 2e partie, lesquelles auraient pu être évitées avec un montage et une écriture un peu plus compacts pour une durée inférieure d’au moins trente minutes.
Ceci étant dit, pour le reste c’est absolument excellent.
L’histoire d’abord, aussi glaçante que passionnante qui montre cette cruauté sans borne dont les « Américains anglo-saxons » firent preuve face aux Amérindiens. Dans la lignée d’une colonisation anglaise du territoire qui dès l’origine vit les autochtones comme des peuples gênants (approche très différente de celle de la France qui en fit le plus souvent des partenaires si ce n’est des alliés, voire des sujets sous la protection de la couronne de France), la jeune nation étasunienne de ce début du XXe siècle, qui a achevé la Conquête de l’Ouest géographique depuis quelques années déjà, cherche à faire main basse sur les rares ressources qui lui échappent encore, en l’occurrence ici au profit des Osages. Sans trop en dévoiler nous dirons que le processus est cynique, d’abord insidieux et progressif avant d’être violent et expéditif sans aller jusqu’à basculer dans le massacre ouvert comme celui commis sur la population noire à Tulsa à la même époque.
Au niveau de la réalisation c’est du grand art : si ce n’est la durée à mon sens un poil excessive et qui peut entraîner une forme de lassitude sur la dernière heure avec en plus un final qui m’a un poil déçu sur la forme, on est vraiment plongé dans cette société mixte qui voit une des deux ethnies s’imposer progressivement et impitoyablement. En cela c’est une forme de western, l’ultime phase de la Conquête de l’Ouest.
Au niveau du jeu d’acteur c’est selon moi un sans faute. Carpaccio concourt clairement pour l’oscar du meilleur acteur (à moins que l’Empereur ne contre-attaque le 22 novembre ?), il est absolument bluffant. De Niro pourra peut-être briguer celui du meilleur second rôle et Lily Gladstone ne souffre jamais de la comparaison. Les seconds/troisièmes couteaux, nombreux sur un film de cette durée, sont tous excellents, Scorcese sait diriger ses acteurs ça ne fait pas de doutes.
Ainsi lorsque Eastwood, un autre des survivants du cinéma classique hollywoodien, a déçu avec son dernier bébé Cry Macho, Scorsese livre avec ce Killers of Flower Moon un film puissant qui fait d’ores-et-déjà partie des meilleurs films de cette année 2023.