Scosese, décidément, j’aime ou, la plupart du temps, ça n’accroche pas. Ce n’est jamais une question d’intérêt ou d’intelligence de scenario, mais un je ne sais quoi dans la mise en scène qui m’empêche de rentrer dedans. C’est lourd, téléphoné, insistant, surjoué, plat, sans vie ni relief, et malheureusement je trouve que celui-ci en fait partie, alors que le scenario me plaisait bien.
Bon, les acteurs d’abord. Je n’ai jamais trouvé DiCaprio bien transcendant, toujours la même inexpressivité, à part dans des films surprenants comme Shutter Island ou The revenant ; heureusement qu’il commence à prendre un peu de gueule en vieillissant. Mais alors là, il fait caricaturalement du Robert de Niro, et présenter sempiternellement sa tête à la bouche pincée à l’envers durant 3h40 sans jamais changer de registre, ça m’a paru particulièrement fatiguant. Son jeu m’a touché sur une seule pauvre scène,
celle du bar où il se fait arrêter.
De Niro, bon, voilà bien des années qu’il fait du De Niro, toujours la même tête, toujours la même gestuelle, toujours le même genre de rôle, comme un bon vieil acteur qui se respecte et vit surtout sur son nom et sa légende. Seule Lily Gladstone m’est apparue authentique dans son rôle d’une Osage sobre, minimaliste, réaliste et néanmoins naïve tant elle ne pouvait pas imaginer la réalité du complot.
Mais bon sang que c’était long, non pas en heures, car les films longs ne me dérangent pas, mais longs dans le sens où chaque scène traine, s’attarde, se prolonge, semblent exiger lourdement à chaque plan la profondeur et l’émotion, sans parvenir de ce fait à la transposer véritablement. C’est chiant cette théâtralité pseudo-profonde en permanence ; impossible de rentrer et de vivre le spectacle. Du coup, en effet, oui, le film aurait pu faire une heure de moins facilement.
Bon les meilleurs aspects maintenant :
Le thème de ce peuple Amérindien, non content d’avoir été massacré, nous est montré surexploité, trompé, spolié, assassiné, sans que personne ne semble les considérer autrement que comme des bêtes nuisibles. Le coté raciste est, j’en suis convaincu, très authentique de l’époque, sans en faire des tonnes et sans minimiser non plus. La barbarie, le vol, l’assassinat, les mariages intéressés, tout cela est bien montré. Avec réalisme, sans caricature raciste qui aurait tout gâché, mais bien au travers des yeux pathétiques, des actes de minables salauds crasseux, de pathétiques bouseux tueurs, de pitoyables chacals cupides. Et un bon point supplémentaire pour ne pas avoir sombré dans le racisme manichéen (qu’on appelle pudiquement wokisme aujourd’hui) puisqu’il y a aussi pas mal de bons personnages Blancs.
Le thème du « héros » déchiré est réussi aussi. A la fois minable, assassin, cupide, idiot, et tiraillé par un amour qui est sincère quelque part, et qui constituera sans doute son châtiment moral qu’on devine dans les années à venir. Un bravo particulier au puissant non-dit du dialogue
où sa lâcheté le prive malgré tout du pardon de sa femme lors de leur toute dernière scène commune.
Donc, malgré une mise en scène et des jeux qui ne m’ont accroché que très rarement, ça reste un film qui se laisse voir, qui m‘a fait passer un bon moment et qu’il aurait été dommage de louper. Encore qu’il y a des moments où je me demandais l’heure qu’il était, ce qui est mauvais signe quand on regarde un film. En tout cas ce n’est pas le chef d’œuvre auquel je m’attendais et dont on m’a tant rabattu mes oreilles. Scorsese a sans doute eu l’ambition d’une grande fresque historique sur certains épisodes nauséabonds de l’histoire américaine, comme La porte du Paradis ou Il était une fois en Amérique, malheureusement j’ai trouvé qu’il n’en avait ici ni la classe ni l’intensité.