Impossible n'est pas Jackie Jones
Le Kong de 1933 est un de mes films préférés, mais je l'ai découvert sur le tard.
Et je vais même vous avouer un truc.
La créature poilue et poilante, Skull Island, l'équipage du bateau, etc, c'est avec le remake de Jackson que j'ai vu tout cela pour la première fois. Le Kong de Schoedsack et Cooper a été plutôt une redite à mes yeux, une lacune culturelle à laquelle il fallait remédier et qui, une fois fait, m'a foudroyé par la beauté de son monde perdu.
Mais le faible dans l'histoire, ce n'est pas Ann. Ce n'est pas non plus l'amour mystique que porte Kong pour la blonde. Le faible, c'est moi.
Parce que je ne peux pas crier sur tous les toits "enfer et damnation" à l'encontre de cette version de 2005. Je ne peux pas renier avoir vécu une séance fort sympathique de ce film à seulement dix ans d'âge.
Comme on dit, à chacun sa génération.
Peut-être qu'il y a en ce moment même un gamin dans ce bas monde qui idolâtre King Kong et qui deviendra un réalisateur connu et reconnu dans vingt, trente ou quarante ans. Et qu'il réalisera à son tour un remake pour glorifier aux yeux de la planète entière sa passion pour la bête. Son ambition le tuera mais il le fera.
Ainsi les mythes et les légendes s'inscrivent dans l'imaginaire et se perpétuent dans le temps. Parce qu'il y a un héritage du monstre qui s'évertue honorablement, il reste aussi solide qu'à son apparition initiale.
Pour ne pas paraître crétin et tout sauf objectif, évidemment que ce long-métrage est trop "long". Ce n'est pas qu'il est redondant, et ce n'est pas tant la durée choisie qui pose problème, mais c'est la façon dont s'équilibrent les idées de mise en scène de Jackson et son découpage séquence après séquence. J'y ai cru moyen.
Et plus que dans n'importe quel morceau de sa filmographie, encore plus abusé et aussi invraisemblable qu'un Legolas qui fait joujou avec un Oliphant, je supporte de moins en moins les sauvetages au millimètre près quand ils sont trop nombreux. Plus encombrants que complémentaires. Ca n'enlève rien à la substance du film, ni à l'humanisation qui est faite du gorille géant ; mais tous ces petits à-côtés qui viennent connoter l'action sont insupportables et je ne ressens pas de frisson pour les personnages principaux, d'autant plus qu'ils en font parfois des caisses.
Pour ce qui est de l'utilisation du numérique et des fonds verts fluos, je ne vais pas vous bassiner avec le discours habituel. Encore et toujours. Ca peut poser problème à certains et ça peut faire ni chaud ni froid à d'autres.
On arrête pas de nous baratiner que les effets spéciaux ça vieillit mal généralement, que ce trop-plein d'effets peut nuire à la quête artistique. Pourtant, une décennie après le film pourrait très bien sortir demain au cinoche.
Le King Kong des années 30 était lui-même une démonstration de force visuelle, bien sûr le côté "pop-corn" en retrait lors des projections... on mettra ça sur le compte d'"une époque différente avec un public différent".
Alors oui, qu'on soit d'accord sur une chose : 'sieur Jackson a étalé toute la confiture qu'il avait à sa disposition, jusqu'à épuiser tout ce qu'il y avait dans le pot. Il a rallongé l'espace, il a opéré certaines modifications qui ne plaisent pas forcément aux puristes, et la cohabitation entre l'émotion et l'action est rude.
Vraiment dommage qu'il y ait une telle surabondance. Celle-ci traduit plus un désir qu'une nécessité de la part du réalisateur, peut-on lui en vouloir ? "Impossible n'est pas Peter Jackson", et il a voulu nous le prouver... Pari réussi qu'à moitié. Mais les qualités qui en font un bon divertissement universel restent entières.