« It was beauty killed the beast. » CARL DENHAM

Dans les années 1990, Robert Zemeckis, qui a signé la trilogie Back to the Future pour Universal, parraine en son sein The Frighteners, comédie fantastique néo-zélandaise aux effets spéciaux innovants, entièrement tournée et conçue en Nouvelle-Zélande par un jeune réalisateur ayant signé quelques titres gores ainsi qu'un drame remarqué. Il s'agit d'un certain Peter Jackson ! Passionné par le personnage de King Kong, Jackson convainc Universal de lui confier un projet de remake. Le studio accepte et le fait travailler plusieurs mois sur sa pré-production. Mais après le mauvais accueil commercial de The Frighteners, le studio annule ce tournage.

Souvenons-nous que cela fait longtemps que Peter Jackson attend de réaliser un film King Kong. Dans son film Braindead de 1992, l’introduction se déroulait en partie sur Skull Island dont est ramené un spécimen du fameux Singe-rat de Sumatra (dont on aperçoit la cage dans la cale du bateau dans son futur film).

Dépité, Peter Jackson se tourne vers un projet encore plus monumental : la trilogie The Lord of thé Rings ! Après le triomphe de celle-ci, son réalisateur et Universal relancent le remake du King Kong de 1933 de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Remake qui sera tourné dans des conditions très semblables à celles de la trilogie The Lord of the Rings, à savoir entièrement en Nouvelle-Zélande, avec des collaborateurs proches de Peter Jackson tels que les scénaristes Fran Walsh, sa femme, et Philippa Boyens, le chef opérateur Andrew Lesnie, le directeur artistique Grant Major, ou Richard Taylor à la tête des ateliers Weta pour les effets spéciaux.

Peter Jackson signe un important contrat pour un budget de plus de 200.000.000$, avec un salaire de 20.000.000$ pour lui et ses co-scénaristes plus 20% d'intéressement sur les bénéfices, faisant de lui un des metteurs en scène les mieux payés d'Hollywood et faisant de son film un des plus chère de l’histoire.

Le tournage débute un mois après le décès de l'actrice Fay Wray qui avait joué le rôle de Ann Darrow dans le film original et que Peter Jackson souhaitait voir apparaître dans sa reprise pour prononcer la réplique finale. Essayons de nous souvenir d’elle.

King Kong sort en 2005, soit plus de 70 ans après l’original de 1933.

A New York, durant la grande dépression, Carl Denham, réalisateur voyageur et casse-cou, apprend que ses créanciers, mécontents de son travail, veulent mettre un terme au tournage de son film ! Denham prend les devants et part la nuit même en direction d'une mystérieuse île inexplorée, près de Sumatra. Cette île est surnommée Skull Island ! Dans cette aventure, il est accompagné de son équipe de techniciens, de son scénariste Jack Driscoll et de sa vedette féminine, Ann Darrow. Sur Skull Island, l'équipée se heurte à une tribu d'indigènes, laquelle kidnappe Ann et l'offre en sacrifice à leur divinité locale : Kong, un monstrueux gorille géant !

A quelques nuances près, le cinéphile féru de fantastique aura reconnu ici le résumé du King Kong de 1933. Peter Jackson va même jusqu'à installer l'action à la même période, alors que le remake King Kong de 1976 était une aventure contemporaine. Certaines modifications sont tout de même notables, la principale concernant Jack Driscoll, jeune premier de cette aventure. Alors que dans le film de 1933, il s'agissait d'un marin énergique et prompt à l'action, dont la personnalité s'opposait à celle plus fantasque de Carl Denham, il devient ici un scénariste, un intellectuel sensible et introverti appelé à se dépasser pour réagir à des circonstances exceptionnelles. Un personnage au fond typique de la production de Peter Jackson.

Peter Jackson va prendre le temps de mettre son histoire en branle, avec une première partie sur l’Amérique en crise qui s’étire en longueur. Le réalisateur prend le temps de dépeindre une ville-métonymie de l’Amérique entière où le rêve se vend à bas prix. Le réalisateur Carl Denham est un passionné de cinéma aussi intransigeant avec ses films qu’il est lâche sur les questions de la légalité et de la sincérité. Il embarque à force de mensonges et de faux-semblants le scénariste Jack Driscoll et la jeune actrice Ann Darrow dans son aventure vers un El Dorado improbable, une île où il rêve de tourner le film d’aventure qui le remettra à flots. Caviardée de références visuelles ou scénaristiques au cinéma des années 1930, cette première partie, manifestement développée pour donner corps aux personnages et ne pas focaliser tout l’intérêt du film sur sa créature. Il est de même pour la partie sur le bateau qui va donner corps aux personnages secondaires.

C’est ce qui fait la très grande force de ce film : aussi bien les humains que la créature sont longuement détaillés, ce qui constitue une innovation scénaristique réelle par rapport à l’original. Grâce à l’incroyable technique de trucage informatique déjà employée pour donner vie à Gollum dans la trilogie The Lord of the Rings, Peter Jackson confie à Andy Serkis le soin de donner une réelle physionomie, une réelle personnalité, à son grand singe, avec succès. Là où le premier film laissait subtilement entendre l’existence d’une attirance sexuelle monstrueuse du singe pour sa blonde victime, Jackson prend le parti de faire de l’animal un vieux solitaire, qui se prend d’amitié et d’amour pour une humaine par désœuvrement.

La réussite la plus impressionnante en terme technique (et malgré les nombreux monstres peuplant Skull Island) reste la nouvelle création de Kong, époustouflant de réalisme. Fruit de la collaboration entre l'acteur Andy Serkis et des animateurs de Weta Digital, ce gorille géant frappe par son expressivité, les détails de sa reconstitution ainsi que l'authenticité de sa gestuelle. A noter que Andy Serkis joue aussi le rôle du cuisiner.

Les personnages humains ne sont pas en reste. Naomi Watts et Adrien Brody apportent une sensibilité et une humanité profonde à leurs personnages, exprimant à la fois leur vulnérabilité face aux dangers rencontrés et leur force intérieure dans des moments de bravoure.

Jack Black incarne Carl Denham, un cinéaste ambitieux et audacieux déterminé à réaliser son film épique à tout prix. Le parallèle peut encore être fait entre Denham et Peter Jackson qui veut absolument faire son film King Kong depuis tant d’année.

Et puis comme dans le King Kong de 1933, c’est le créateur qui va tuer son monstre car comme Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, Peter Jackson va incarner un des pilotes d’avion qui abat Kong au somment de l’Empire State Building.

Le compositeur Howard Shore avait écrit et enregistré une bonne partie de la bande originale du film, mais peu avant la sortie, à la suite de divergences artistiques avec Peter Jackson, d'un commun accord ils décidèrent qu'il était préférable que James Newton Howard prenne le relais. Ce dernier eut moins de deux mois pour écrire et enregistrer une partition totalement nouvelle. Sa partition a été saluée pour sa puissance émotionnelle et son adaptation habile de thèmes musicaux classiques, tout en apportant une touche contemporaine à l'histoire. Il faut aussi noter que Howard Shore est tout de même présent dans le film ; à la fin où il joue le rôle du chef d'orchestre (reprenant le thème du King Kong de 1933 par Max Steiner).

King Kong va remporter les Oscars du meilleur mixage son, des meilleurs décors et des meilleurs effets visuels en 2006.

Après s’être attaqué à un monument de la littérature avec Tolkien, Peter Jackson récidive avec un monument du cinéma : King Kong. Le résultat est brillant avec un film que petit et grand, cinéphile ou pas, apprécieront. Si le côté hollywoodien pourra en déranger certain, la magnificence des effets spéciaux fait contrebalance. Un spectacle total.

StevenBen
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le 4 avr. 2024

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Steven Benard

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