"Bastarden" est un de ces films sages, proches de l'académisme contemporain, qui se donne beaucoup de mal pour s'émanciper de cette tutelle mais qui n'y parviendra jamais vraiment, quels que soient les efforts louables. Tout est bien propre dans cette reconstitution de la campagne danoise du milieu du XVIIIe siècle, avec au centre du film Mads Mikkelsen en Ludvig von Kahlen, un capitaine récemment réformé qui entend revenir dans la lande danoise pour établir une colonie au milieu des champs de bruyère réputés infertiles. Le canevas est presque entièrement connu d'entrée de jeu dans ses grandes lignes : il y a le roi qui approuve le projet car cela contribue à son rayonnement mais qu'on ne verra jamais, bienveillant à l'égard du protagoniste mais dont la bienveillance sera systématiquement cachée par des intermédiaires plus malveillants ; il y a cet antagoniste primaire, un seigneur de la région pétrifié dans son arrogance, qui fera absolument tout ce qui est en son pouvoir pour nuire au protagoniste ; et puis il y a une poignée de seconds rôles qui graviteront autour du protagoniste dans sa quête afin de l'aider, d'une manière ou d'une autre.
Je dois avouer que le cadre original aide grandement dans la sensation de dépaysement provoquée, avec ces grandes étendues plongées dans le froid, la brume ou le soleil, au fil des saisons, garnies d'arbustes verts et roses. Le minimalisme de l'action n'est pas pour me déplaire non plus, avec cet ancien de l'armée qui voudrait planter ses patates peinard sur un terrain réputé impossible à cultiver. Mais vraiment Nikolaj Arcel manipule les clichés avec peu de délicatesse, les brigands deviendront ses amis faute d'avoir trouvé la main d'œuvre adéquate, la promise du grand méchant tombe amoureuse de lui instantanément, etc. Dommage qu’on ne se soit pas donné plus de mal au niveau du scénario car le cadre des colonies danoises avait son potentiel, avec les prétendants colons qu'on envoie depuis l'Allemagne pour aider et peupler les lieux. Même le noyau familial qui se forme autour de lui, avec une petite fille rejetée par à peu près tout le monde et une femme dont le mari est assassiné, était doté de spécificités qui l'éloignait du tout-venant en termes de drame familial, montrant un schéma trop rare (les familles recomposées qui finalement ont autant sinon plus de valeur que les familles traditionnelles). Après, Mikkelsen ne force pas trop dans le rôle du héros taciturne : c'est un peu quitte ou double.