Ce n'est visiblement pas dans son aspect documentaire sur la culture de la pomme de terre, ni même dans sa fidélité historique qu'il faut chercher les raisons que pourrait avoir King's Land de convaincre. Libre adaptation d'un roman d'Ida Jessen : " the Captain and Ann Barbara " le récit s'attache à suivre durant quelques années les pas de Ludvig Kahlen, ancien militaire alors qu'il tente d'établir une colonie sur les terres arides et hostiles du Jutland, province danoise encore sauvage dont la terre (une terre de bruyère) est réputée incultivable.
Nous sommes en 1755 ,le Danemark étend peu à peu son autorité dans le nord de l'Europe (Groenland, Islande), mais le territoire inhospitalier de la presqu'ile a fait fuir les précédents colons et l'obstiné Kahlen entend dompter les éléments et les seigneurs locaux pour s'y établir et satisfaire le roi.
Ancré dans sa volonté de donner une résonnance historique à son propos, Nikolaj Arcel auteur déjà de "Royal Affair" avec Mads Mikkelsen, initie son récit avec force explications et un brin d'académism,e dans une mise en scène austère qui à la manière d'un "Godland" l'an dernier tient un peu à distance ses spectateurs. Mais parfois, quelques coups de fouet ont l'heur de réveiller les âmes assoupies et l'apparition sur la lande, d'un couple ayant échappé à la cruauté d'un seigneur voisin qui viole ses servantes, fouette leurs maris et surtout s'oppose à l'implantation de colons à proximité de son domaine va définitivement dynamiser l'intrigue et donner une belle ampleur à un métrage qui ronronnait un peu, en transformant lentement la conquête silencieuse en épopée furieuse, cruelle, rayonnante également.
La confrontation à la rigueur du labeur, à l'apprêté du climat va peu à peu créer une complicité implicite entre les trois compagnons d'infortune, affranchissant les uns et les autres de leurs réserves de leur silence, nouant des liens encore fragiles entre un couple méfiant et le taciturne et obstiné capitaine. Plus encore que l'hostilité des éléments, c'est l'opposition courtoise et perfide dans un premier temps, du baron De Schinkel, puis sa violence sans limite qui vont nourrir la dimension épique de ce "Bastarden" emporté par instants dans les ténèbres des pulsions vengeresses de ses personnages et dans un tourbillon cruel et violent sans pour autant que cette furie ne contamine l'ensemble du propos.
Arcel en effet, en orfèvre patient n'a de cesse de construite son récit, de développer les relations entre les personnages, sans négliger sa toile de fond historique. Les visites de Kalhen au château seront d'abord faites de rencontres, (la cousine future épouse contrainte du baron), de découvertes celle de l'apparente hospitalité du maitre des lieux avant de prendre une tournure moins polissée. Les sentiments également, une belle histoire d'amour et... le les tourments des sentiments évoquant la paternité viendront donner une dimension belle dimension dramatique à une œuvre riche et émouvante.