L'épopée de Ridley Scott sur les Croisades n'avait pas fait l'unanimité à sa sortie, sans être un fiasco ni tout à fait une réussite. Les 40 minutes de coupes qu'avait demandé la 20th Century Fox pour lester le film et en faire un blockbuster d'action avaient également privé Kingdom of Heaven de scènes plus ou moins importantes qui offraient une plus grande cohésion à l'histoire tout en en garantissant le spectacle. Beaucoup de nouveaux éléments sont donc rajoutés ou modifiés de manière parfois utile, parfois non.
On ne comprenait pas pourquoi notre jeune héros Balian possédait des dons de stratège innés lors des quelques magnifiques batailles alors qu'il sortait d'un trou perdu de France où il n'était forgeron ; chose ici réparée. Sont également étoffées ses relations avec des personnages importants comme l'Hospitalier ou Sybille, qui façonneront sa personnalité et ses motivations à devenir une main de Dieu œuvrant pour la justice. Sybille, objet amoureux dans la version ciné, se révèle ici être d'ailleurs beaucoup plus importante à l'histoire, presque un point central, même si la sous-intrigue avec son fils atteint de la lèpre peut s'avérer un brin lourd à un scénario déjà bien garni.
Mis à part certaines explications nécessaires et d'autres plus dispensables, nous avons surtout droit à un nouveau montage et l'ajout d'hémoglobine (numérique) et de plans plus graphiques rendant le long-métrage bien plus violent. Cette version director's cut est donc en soi une réussite, bien plus fidèle à l'esprit de ce que voulait proposer son réalisateur, possédant une meilleure cohérence et un réalisme accentué sans toutefois réparer certains défauts de narration, des ellipses bâclées (comme le naufrage quasi-mystique de Balian en Terre Sainte) et une romance cul-cul pas vraiment maîtrisée, déjà malheureusement présente dans la version ciné.
Manque cependant toujours un certain recul, la politisation de Ridley Scott et son penchant pour l'iconisation grossière de ses personnages prenant malheureusement le pas sur l'efficacité, empêchant le produit fini d'être un chef-d'œuvre ou un film important. Reste de Kingdom of Heaven, toutes versions confondues, tout au plus un très bon divertissement et en soi un bon film d'époque avec de magnifiques décors, une sublime musique signée Harry Gregson-Williams et d'impressionnantes scènes de batailles propres à Scott, efficace sur la technique (quoique de nombreux ralentis peuvent s'avérer presque amateurs) mais un peu trop rationaliste quant à sa vision des Croisades et son point de vue balourd de la religion.