Hommage au film d'espionnage, Kick-Ass (clin d'oeil pictural avec le flingue d'Andy Warhol), réécriture originale des légendes arthuriennes, mais aussi cinglante critique de la société de consommation, Kingsman est une énième preuve, s'il en faut, du génie de M.Vaughn, qui sait mêler le film d'action hollywoodien, divertissement pur, parfaitement maîtrisé, à l'iconoclasme excentrique qu'on lui connaît. On reconnaît d'ailleurs l'univers paradigmatique du cinéaste fou d'Hollywood, des studios Marv (affiliés à Marvel mais hautement plus ambitieux): humour, scènes trash qui, à la limite du soutenable, n'en demeurent pas moins jouissives et esthétisées jusqu'au plus infime détail.
Parfait concentré d'humour british, les Kingsman, équipe haute en couleur menée par le génial Colin Firth, nous livre une des aventures les plus abouties de l'univers Marvel, dans la lignée de Kick-Ass (autre adaptation d'un comic book de Millar). La classe du très précieux Colin Firth, loin du rôle du roi bègue, sa verve, son aisance, donnent très vite le ton du groupe d'élite que préside son personnage, Galaad. Mais ce personnage est d'autant plus intéressant qu'il apporte au film une dimension socialisante, flirtant avec l'anticapitalisme et le refus du déterminisme social: un jeune héros, pauvre et déshérité (très bon premier rôle, au passage pour ce jeune acteur), doit affronter, pour prétendre au poste convoité d'agent secret, une tripotée de "fils de", propres sur eux, appartenant à diverses écoles prestigieuses, imbus de leur personnes. Il sera pourtant le seul à faire preuve de vraie "classe", non pas celle dont on hérite, financièrement, mais à l'intérieur. L'autre volet socialisant: le méchant de l'histoire, l'excentrique milliardaire campé par un S.L.Jackson toujours très bon, et qui incarne à peu près tous les vices et dérives du capitalisme triomphant, notamment dans l'industrie électronique et technologique, qui prospère sur la dépendance de milliards d'individus aux écrans pour faire contrôler les esprits. Ici, le loufoque PDG trouve l'idée, insensée (quoi que...) de faire don de cartes sim afin de pouvoir contrôler, à distance, le système cérébral et affectif de la population (ce qui, symboliquement, est déjà le cas). Une occasion pour des nombreux hommes de pouvoir (l'élite), de survivre au chaos et de participer à la renaissance d'un monde malade. Idée terrifiante, mais qui est en train de se dérouler tranquillement dans la vraie vie (les guerres que d'aucuns mènent ça et là n'affecteront jamais les élites, bien qu'au départ, elles en soient à l'origine). Cette dénonciation d'une humanité malade de sa propre inhumanité, assujettie aux nouvelles technologies et manipulée par une oligarchie dépourvue de morale est extrêmement efficace, et trouve son apogée dans ce moment, jubilatoire, où le fameux système est renversé par l'équipe Kingsman: meurt alors, toute cette élite, dans un formidable jeu visuel que je tairai ici, mais qui vaut la peine d'être vue. Un film jubilatoire, intelligent, et mené d'une main de maître.