C'est une seconde vie artistique qui est née lorsque M Night Shyamalan décida de reprendre les rênes de sa carrière. En 2015, The Visit ne réinventera pas les codes cinématographiques du cinéaste Indien mais se construira désormais autour d'un nouveau modèle économique plus modeste. Il faut imaginer l'auteur de Sixième Sens, adepte de la perfection du mouvement d'appareil se couler dans le moule du found footage taillé à la serpe ou encore se plier aux exigences du numérique pour Split afin de retrouver un semblant de crédibilité. Au sortir de ces compromis, d'ordre technique, Shyamalan reste l'un des auteurs de genre capable de propositions singulières doublées de secondes lectures sur le mécanisme du récit (La jeune fille de l'eau), la paternité (Incassable) ou l'art sous forme de spectacles vivants (Old). Knock at the cabin ne fait pas exception retrouvant d'ailleurs les fondements théâtraux de Old : Les comédiens (la troupe, les performances) puis les différentes unités de lieu (le huis-clos) et d'action. L'unité de temps reposant sur une révolution de soleil soit une année selon Aristote ou 12 à 30 heures pour les théoriciens pour mener à bien le schéma narratif. Le soleil, l'acteur principal, ayant une place presque dominante accordant ses rayons solaires aux antagonistes en lieu et place du couple caché dans l'ombre. La connaissance appartenant à la partie adverse. Shyamalan nous ayant aiguillé insidieusement vers les victimes.
Les quatre de l'apocalypse menés par le colosse Léonard (Dave Bautista impérial) investissent un chalet composé d'un couple homoparental (Jonathan Groff-Ben Aldridge) et de leur petite fille Wen. L'acte traumatique cache une proposition singulière destinée à enrayer la fin de notre ère.
Shyamalan se voit comme un homme du peuple reprenant à son compte cette phrase prémonitoire annonçant un avenir sombre pour la race humaine. Qui n'a pas évoqué un monde au bord du précipice depuis notre entrée dans le XXIème siècle ? Toutes les plaies d'un occident malade y sont évoquées de la surcommunication des réseaux sociaux, aux idéologies douteuses, des attaques bactériennes aux hystéries collectives, du terrorisme au robinet à images médiatiques... Il y a un enseignement morale derrière knock on the cabin qui forge l'idée de la parabole surtout lorsque l'on sait qu'elle fait intervenir quatre personnages du Nouveau testament et la notion du sacrifice. Il y est aussi question de seconde lecture mais elle est tellement apparente qu'elle en dévore le film dans son entièreté. Cette vampirisation du récit par son discours étouffe en partie le propos consistant à produire un authentique objet contemporain, Shyamalan se jetant tête baissée sans y émettre de réserves et en instaurant des fausses pistes comme les sauterelles constamment illustrées comme une plaie Égyptienne par des plans évocateurs. Quid également de la rencontre "fracassante" entre Redmond(Rupert Grint) et Andrew des années auparavant ? Des appendices scénaristiques jetés en pâture aux spectateurs faussement à desseins. D'étranges écueils qui ne sied pas au caractère rigoureux d'écriture du cinéaste ordinairement plus concis dans sa trame surtout que la question du point de vue des deux groupes étant ingénieusement inversée. Les assaillants prônant la paix au travers de leur brutalité et le couple serein ramené à sa condition primitive pour sauver son (ses?) existence(s).
Outre ces considérations venant parasiter le bon équilibre la question que l'on se pose est jusqu'où Shyamalan va-t-il pousser son état d'épuration formelle ? Car il y est question de restreindre les espaces et d'augmenter toujours plus les enjeux. On ne cachera pas plus longtemps que ce nouvel opus repose sur les fondations de Signes, film séminal et troisième volet d'une tétralogie inégalée. Sur le fond, il est toujours question d'interroger la foi des personnages et par répercussions celle du spectateur. Quant à la tranquillité de l'espace rural convertit en une portion forestière, elle est ici ramenée à un chalet rustique éloigné de la civilisation. Des lieux cinématographiques communs shootés en focales moyennes puis rapidement abandonnés pour recalculer la spatialité en vase clos. Shyamalan s'adapte à son environnement, ralentissant la machinerie trop envahissante pour un troc en forme de multiples plans serrés sur les visages. Knock on the cabin prend plaisir à suffoquer et se découvre être l'antithèse architecturale de Old pour s'acheminer en une fin atrocement paisible. Une parfaite conclusion en forme d'oxymore pour un bel essai perfectible.