Une nouvelle année pour un nouveau Shyamalan. Le cinéaste du mystère qui a su marquer les esprits avec ses grands films (Sixième Sens, Incassable, Signes), avant de s’égarer et de se chercher (Le Village, Phénomènes, The Visit). Depuis peu, et notamment avec The Visit et Old, des signaux positifs s’activaient, et Knock At The Cabin se présentait comme la confirmation de ces espoirs grandissants, à juste titre.
Si l’on peut reprocher au cinéaste de Philadelphie une qualité irrégulière dans ses films, il a toujours été fidèle à sa démarche. Questionner nos croyances, bousculer nos certitudes pour manipuler la réalité, et jouer avec ses limites. Ses films ont toujours suivi le même processus, faisant intervenir le fantastique pour le confronter à nos esprits rationnels, dont les personnages de ses films ont souvent été les porte-paroles. Comme cela pouvait être attendu, Knock At The Cabin ne va pas faire exception et, mieux encore, ce nouveau film va le faire de manière frontale, presque didactique.
Ici, il est question de convaincre que deux pères de famille et leur fille ont entre les mains le destin de l’humanité, sur la base des dires d’illustres inconnus, fondés sur des visions. Seul le sacrifice d’une personne peut éviter la mort de milliards d’autres, mais comment penser un instant que cela est possible ? Pour tenter de convaincre les deux hommes, et nous, à travers eux, un instituteur, passablement intimidant sous les traits de l’imposant Dave Bautista, tout en étant toujours d’un grand calme et d’une grande lucidité. Car ce n’est pas par la force que les choses doivent agir, mais par les mots et la réflexion. Shyamalan vient s’adresser directement à nous dans Knock At The Cabin, disséminant des parts de ses précédents films pour faire de ce nouveau film une synthèse qui cristallise toutes les peurs et les fascinations qui ont façonné son œuvre.
On retrouvera, ici, la forêt infranchissable du Village, les événements catastrophiques de Phénomènes, la plage sinistre de Old, rapidement, la maison isolée de The Visit, mais aussi celle de Signes, le film dont Knock At The Cabin semble d’ailleurs le plus se rapprocher. La question de la foi est en effet ici centrale, celle en quelque chose qui nous dépasse, comme toujours chez Shyamalan, qui trouve, notamment grâce à sa mise en scène, divers moyens de confronter les points de vue. Construisant souvent ses plans en miroir, il crée des camps entre les personnages, notamment entre les deux pères, côte à côte dans la pièce mais généralement opposés dans le plan, pour induire par l’image la divergence entre leurs évolutions, l’un restant résolument rationnel pendant que l’autre sent le doute qui s’installe en lui.
Il est possible que les quelques errements qu’a pu connaître la filmographie de Shyamalan aient pu accroître notre tolérance envers quelques vices accablant son cinéma, comme la difficulté à rester suffisamment subtil, et à résister à la tentation de ne pas dévoiler ses cartes. Ainsi, Knock At The Cabin n’est certes pas exempt de tous reproches, mais il parvient à nous pousser à nous prendre au jeu, convoquant des peurs et des éléments d’actualité, comme la fin du monde, le complotisme, le repli sur soi pour fuir les maux du monde… Grâce à ce film, Shyamalan parvient à nous faire ressentir une sensation de vertige, nous confrontant à nos réflexions tout en nous tenant en haleine. Force est d’admettre qu’il ne fera pas l’unanimité pour autant, et que ce nouveau film sera certainement clivant, car, oui, il a ses failles, et des spectateurs moins réceptifs pourront s’y engouffrer. Le mieux restant de se faire sa propre opinion en son âme et conscience, mais avec Knock At The Cabin, on a envie de cultiver un bel espoir.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art