Nous n’avons jamais caché notre admiration pour M. Night Shyamalan, nous qui défendons autant Sixième sens (1999) que Le dernier maître de l’air (2010).C’est donc avec la plus grande impatience que nous attendons la sortie de ses nouveaux travaux, et Knock at the cabin ne faisait pas exception à la règle. Et bien qu’il y confirme une manière plus mineure que celle de ses débuts, entamée depuis près d’une dizaine d’année finalement, nous ne sommes pas déçus. Cette critique ne reposera pas à proprement parler sur des révélations, mais difficile d’évoquer un nouveau Shyamalan sans en révéler quelques secrets… Vous voilà prévenus.
Nous avions laissé Shyamalan en haut d’une île déserte, observant la petite communauté de ses personnages se décimer sous l’effet d’un vieillissement accéléré. Old (2021), petite série B au fort potentiel méta et à l’efficacité redoutable, en avait déçu plus d’un, en particulier après un retour en grâce qui semblait trouver dans Glass (2019) une forme d’accomplissement. Beaucoup de shyamalaniens – dont nous, comme en témoigne notre entretien avec Hugues Derolez – attendaient avec impatience le retour du cinéaste à un univers et des personnages inédits autour d’un concept plus novateur qu’un simple argument de found-footage (comme dans le très malin The Visit) et certains furent déçus que ce retour se fasse dans un univers aussi concentré, dans une intrigue et une forme aussi modestes. Un concept – le vieillissement accéléré – un décor – la plage – et presque rien d’autre pour aboutir à une conclusion d’une simplicité assez troublante dans cette filmographie qui nous a si souvent habitués à des retournements de situation saisissants, redéfinissant les contours de toute une expérience de projection. La fin de Old, aussi efficace soit-elle, ne redéfinissait en effet pas grand-chose. A l’époque pourtant nous le défendions déjà en tant que réjouissant divertissement aux expérimentations formelles constantes, tout en y voyant peut-être un objet un peu mineur. A la lumière de Knock at the Cabin, il nous apparaît que c’est moins en tant que petite forme parfaitement aboutie et emplie de visions saisissantes qu’il fallait le défendre, mais plutôt comme la continuité parfaite d’une nouvelle approche, entamée en fait depuis presque 10 ans (The Visit, encore une fois) et qui à chaque nouvel essai cherche à plus se concentrer sur ce qui fait l’essence de son inspiration.
Knock at the cabin prolonge cette concentration un peu plus loin : une fille et ses pères sont enfermés dans un chalet de vacances par quatre mystérieux agresseurs. Ces derniers leur annoncent, sur un ton docte se voulant presque rassurant, que la fin du monde est proche et qu’elle ne peut être empêchée que par le sacrifice libre et consenti d’un des membres de cette famille. Au cœur de cette trame, le spectateur n’a que deux possibilités « d’échappée » : des flash-backs pour mieux cerner les enjeux de cette famille, et les images télévisuelles, saisissantes, des catastrophes qui se succèdent au fur et à mesure que le couple refuse le sacrifice nécessaire et qui entament l’apocalypse promis par les visiteurs. Il y a de quoi s’interroger sur cette volonté qu’a encore Shyamalan d’enfermer ses personnages, de les circonscrire à des situations physiques et narratives toujours plus resserrées, alors même qu’il n’en a plus le besoin, du moins économique. A l’époque de The Visit, il était certes dans un creux qui l’obligeait à chercher un renouveau dans cette petite forme après des essais du côté du blockbuster qui, bien que très beaux tous les deux, avaient déçu aussi bien artistiquement qu’économiquement – Le dernier maître de l’air et After Earth (2013). Aujourd’hui ce n’est plus le cas, et on peut comprendre que certains admirateurs de ses amples premiers essais soient légèrement désappointés de le voir continuer à contenir ses personnages et ses ambitions. Il y a cependant plusieurs raisons d’écarter ces réserves. D’abord en arguant que M. Night Shyamalan a toujours opéré ce genre d’opérations, même dans des projets apparemment plus ambitieux – de Signes (2002) à Phénomènes (2008) en passant par Incassable (2000), ses films se sont toujours clos sur une cellule familiale, le plus souvent rassemblée dans son habitat – mais aussi en rappelant que c’est le cœur de bien des reproches qu’on lui a toujours faits, en particulier au moment de la sortie du Village (2004), où il était fallacieusement accusé de faire l’apologie d’une autarcie, d’une coupure totale du monde.
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