D'abord il y a évidemment la musique de Philipp Glass, absolument hallucinante, dont les sonorités abstraites répétées à l'infinie jusqu'à la nausée, sont particulièrement marquantes!
Et puis il y a ces images chocs, ces êtres humains qui grouillent de partout dans Manhattan comme de vastes colonies de fourmis!
Et puis il y a cette folie du décor, totalement démesuré, effrayant, inquiétant, cauchemardesque.
Ce monde hallucinant, gargantuesque qui happe littéralement les individus, qui les bouffe.
Ce que je trouve fou dans ce film, et qui a mon sens relève du génie, c'est que Reggio réalise un film en apparence complètement objectif!
C'est vrai après tout, quoi de plus objectif et réaliste, qu'un type qui pose sa caméra dans une ville et la laisse tourner pendant des nuits et des jours entiers?
Mais en réalité (!) c'est un leurre, le film est totalement subjectif, et même plus c'est totalement expressionniste, et encore plus loin, c'est totalement abstrait!
Expressionniste, car très clairement Reggio donne un point de vue hyper sombre et angoissant sur la réalité qu'il ne cesse de martyriser et de fausser par le montage, par les jeux sur la vitesse en ralentissant ou en accélérant excessivement le temps, la musique complètement désincarnée de Glass (symphonies aux frontières de la musique techno).
Mais pire! Le monde pourtant prégnant, le monde que l'on a sous nos propres yeux, le monde dans lequel nous vivons, disparaît peu à peu totalement, la réalité s'échappe, et ce que nous voyons n'est plus qu'un déluge insensé de formes et de couleurs, une abstraction absolue, où la réalité n'a plus sa place! C'est notamment ce plan proprement hallucinant en plongée sur les gratte-ciels de nuit, où les trajets accélérés des milliards de bagnoles, ne forment plus qu'un paysage composé de lignes et des lumières. Et la vie a disparu!...
Rien que pour ça, ce film est très fort! Dommage que Reggio ait été beaucoup moins inspiré sur sa suite Powaaqatsi (et donc assez chiant, alors que bizarrement koyaanisqatsi qui a absolument tous les ingrédients du film chiant, m'a tout simplement fasciné).