Sans doute refroidi par les sorties de plus en plus laborieuses de ses derniers rejetons dégénérés d'un "Sony-Spider-Man-verse" sans Spider-man, Sony n'aura même pas poliment attendu la sortie de "Kraven the Hunter" pour y mettre un terme -ainsi qu'à nos souffrances vécues devant chacun d'entre eux- ne laissant pas la moindre chance de survie au film de J.C. Chandor déjà annoncé comme un nouveau cataclysme à ajouter au compteur.
Si on pouvait avoir encore quelques maigres espoirs que quelque chose d'un minimum potable puisse sortir d'un film du réalisateur de "Margin Call" et "All Is Lost" avec qui plus est Aaron Taylor-Johnson, Ariana DeBose ou encore Russell Crowe au casting pour raconter la vie pré-Spider-Man de son plus illustre ennemi chasseur de proies à sa démesure, "Kraven the Hunter" douche vite cette fugace lueur d'optimisme en dénaturant complètement les penchants prédateurs de son personnage-titre pour en faire, comme à l'habitude des longs-métrages de cet univers, un gentil anti-héros protecteur de la nature et pourfendeur de méchants mafieux ou braconneurs placés sur sa route.
Oublié donc le super-vilain mature à l'appétit insatiable de chasse ultime, place à un trop jeune Aaron Taylor-Johnson bodybuildé à s'en faire exploser les muscles et cherchant à tuer l'ombre imposante d'un père criminel à travers ses victimes pour se racheter de l'abandon de son frêle cadet entre ses griffes ! Si, encore sur ce dernier point, "Kraven the Hunter" colle à un peu près au matériau d'origine (si vous êtes connaisseurs, le devenir du petit frère y sera d'ailleurs respecté), le reste ressemble à une improvisation scénaristique bâclée de quasiment tous les instants.
Malgré une volonté affirmée de se montrer plus généreux que certains de ses confrères sur le lore des adversaires de Spider-man (quatre y apparaissent au total !), le film dilue cette bonne intention dans un ensemble qui semble la plupart du temps brasser du vide là où il n'y a pas lieu d'être, et ce aussi bien sur le plan de son ossature d'intrigue famélique (Kraven tue des méchants, un d'entre eux trouve son point faible et l'enlève, Kraven vient le récupérer, basta) que sur des thématiques aussi subtiles qu'un pachyderme lancée en plein course dans une savane de fonds verts ou bien via un long flashback/origin-story enchaînant les platitudes les plus communes d'un cinéma de super-héros resté englué dans le pire des facilités du début des années 2000.
Pire encore, et on ne parle même pas des dialogues au ras des pâquerettes ("Kraven, ça rime avec fun", une perle parmi des dizaines), cette écriture en mode Chat GPT sans litière donne le sentiment que ses personnages sont uniquement en mouvement par le biais des situations rencontrées, sans le moindre autre développement ou l'apparition d'un semblant de capacité cognitive pour y réfléchir par eux-mêmes quelques instants. On se retrouve dès lors à suivre des esquisses purement fonctionnelles pour lesquelles il est impossible d'avoir une once d'attachement (pour se sentir impliqué par le sort de Kraven et ses satellites, il faut avoir au moins l'empathie d'un Bisounours en hyperglycémie) tant ils sont soit complètement absurdes (Ariana DeBose ne paraît même pas savoir comment jouer sa Calypso, son évolution n'a aucun sens ni profondeur... du coup, elle ne joue pas) soit ridicules par leurs excès (entre ses répliques, son écriture et son acteur en roue libre, ce Rhino est un bingo du mauvais goût à lui tout seul). Dès lors, en ne reposant que sur un néant à la taille exponentielle, "Kraven The Hunter" a de vrais airs d'une énorme et interminable partie de chasse où tous ses participants seraient rentrés bredouilles et dépités en fin de journée, sous les ricanements d'animaux en CGI pas fameux cachés aux alentours.
Malgré tout, voir quelques têtes inédites en live-action de la mythologie Spider-Man et un lot timide de scènes d'action un peu meilleures et violentes que celles de son proche entourage de films font de "Kraven The Hunter" un chemin de croix et de pièges à loups moins douloureux à parcourir que le fin fond du panier représenté par "Venom 2" et "Morbius". Toutefois, la médiocrité de cet univers appose sa grosse empreinte de patte de lion sur le film de J.C. Chandor pour en annihiler la moindre étincelle qualitative possible et ce qui en résulte reste aussi désespérément indigent que la totalité de ses propositions. Il était vraiment temps que ça se termine.