Kubi
6.1
Kubi

Film de Takeshi Kitano (2023)

Trahisons et complots, gore et grotesque

Le cinéma de Kitano depuis le milieu des années 2000 a progressivement muté vers un style très particulier, très loin de la poésie (parfois violente) de ses débuts, en passant par des considérations baroques d'auteur un peu chtarbé (avec des films moyens comme "Glory to the Filmmaker!" ou "Achille et la tortue") pour accéder à un registre beaucoup plus frontal (proche de l'action pure avec la série des films "Outrage") et en grande partie impersonnel, à mes yeux. "Kubi" est en ce sens le point de chute attendu de cette trajectoire, une grande fresque épique prenant pour cadre un point très précis de l'histoire japonaise au XVIe siècle, comme un croisement entre les intrigues politiques extrêmement complexes des films des années 60 sur le sujet (type Eiichi Kudō ou Masahiro Shinoda) et les grandes épopées à la Kurosawa (type "Les Sept Samouraïs"), mais racontée dans un style radical, grotesque, violent, gore, satirique, et même parfois ouvertement comique.


Le morceau est difficile à avaler et à digérer pour de multiples raisons. Il faut déjà s'imprégner du contexte historique posé, celui connu sous la dénomination "incident du Honnō-ji" — le suicide forcé du daimyo Oda Nobunaga aux mains du général samouraï Akechi Mitsuhide, le 21 juin 1582, mettant un terme aux efforts du néo-suicidé pour consolider un pouvoir centralisé sur l'île. Il faut ensuite très rapidement se familiariser avec la profusion dantesque de personnages importants, présentés en quelques secondes seulement à chaque fois, Kitano (qui d'ailleurs adapte son propre livre) nous gratifiant d'une apparition de leurs noms à l'écran pour nous aider à faire le lien entre les discours et les têtes qui défilent. Enfin, il faut parvenir à maintenir un niveau de concentration très élevé pendant plus de deux heures pour parvenir à suivre les différentes intrigues, coups bas, machinations, trahisons, et autres querelles entre seigneurs rivaux. Autant dire que la tâche est des plus ardues.


Pour alléger la chose, Kitano essaie globalement de ne pas se prendre au sérieux et verse dans une tonalité ostensiblement grotesque tout au long du film. Il se donne un rôle parmi les moins abjects, un des chefs samouraïs les plus malins qui sait patienter sagement en observant les autres s'entretuer avant d'avancer ses pions, et enchaîne les séquences ultra violentes filmées avec beaucoup d'ironie. Les têtes tombent (au sens propre) par dizaines, et c'est souvent accompagné de moqueries diverses. Kitano lui-même se fout de la gueule d'un samouraï en train de se faire seppuku sur une barque, en rajoutant une couche supplémentaire avec sa longue-vue qui ne marche pas bien... La barque est décidément bien chargée. Un cinéma un peu trop foutraque à mon goût, trop grotesque dans sa volonté outrancière de choquer (les élucubrations homosexuelles du leader psychopathe au dernier degré finissent par lasser), et finit par s'enfermer dans une surenchère peu productive il me semble. Et ce malgré quelques très belles trouvailles, chorégraphies et ambiances, à l'image de ce seigneur au maquillage bleuté caché dans une forêt et accompagné de deux geishas fantomatiques qui parlent en même temps que lui.

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le 4 juin 2024

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2 j'aime

Morrinson

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