J'entretiens avec le Studio Laika une relation d'amour/haine étrange et ce film d'animation, comme les précédents, n'échappe pas à la règle.
Il faut le reconnaître, Kubo est un magnifique film dont la technique d'animation, le stop-motion, est parfaitement maîtrisée. Peut-être trop d'ailleurs. Tous les plans sont des trésors pour les yeux, des mouvements fluides à la texture et au grain des feuilles de papier qui accompagnent notre jeune héros du début à la fin. Cependant, je regrette qu'il tende tant à flirter avec un visuel d'effets spéciaux numériques "classiques", rajoutés en post-prod. J'aurais aimé voir plus à l'écran le gargantuesque travail qu'a nécessité la naissance de ce film.
L'autre principal point noir, c'est son scénario et le traitement des personnages.
La ligne de base est pourtant très bonne mais elle ne fait que rester en surface, comme si Laika avait peur de devenir trop sérieux, plus assez enfantin, se privant ainsi d'une double lecture qui l'aurait rendu plus appréciable d'un point de vue adulte (et qui fait le charme des Miyazaki père par exemple).
J'ai beaucoup aimé le fait que l'armure, si mise en avant dans le titre français, ne soit pas en vérité l'élément qui permette à Kubo de résister au roi Lune. Là-dessus, le titre original en dit beaucoup plus, révélant ce qui aurait dû être, à mon sens, plus travaillé dans le scénario, ou du moins amené de manière moins niaise.
Quant aux personnages, leur traitement est définitivement resté au stade enfantin : ils sont définis par un trait de caractère principal et n'en démordent pas, quitte à en devenir ridicule. Le meilleur développement de personnage est celui de Madame Singe que j'ai énormément apprécié : d'un côté, extrêmement protectrice, de l'autre, maîtresse dans la maîtrise du sabre et de la magie, je l'ai trouvé très équilibrée. Le Samouraï Scarabée a par contre été complètement mutilé. Je trouve d'ailleurs que le "twist" si prévisible qui lui est attaché n'était absolument pas nécessaire et appauvrit le scénario dramatiquement. Là où il aurait pu tendre à devenir un père spirituel pour Kubo, il est cantonné à son rôle de comique un peu débile, il n'exprime rien et n'est pas du tout attachant. Enfin, nous perdons le Roi Lune au moment où il perd les pédales en fin de film, nous amenant à une fin forcée et désagréable quand il aurait suffit d'un peu plus de détails de-ci, de-là en s'appuyant sur les Sœurs pour en approfondir la psyché et le rendre crédible.
Pour terminer, attardons-nous sur le personnage principal : Kubo. Il est le héros de notre histoire, au centre de toute l'attention. Il part certes de moins loin qu'un enfant sans histoire, ayant dû subvenir aux besoins de sa mère mais il doit finir en héros. Et c'est là que le bât blesse. Je trouve son développement pauvre. Frappé de fausses révélations qu'on avait vu venir à des kilomètres, Kubo n'évolue guère entre le début et la fin du film. Il a pourtant une magie à maîtriser et une armure à recomposer pour résister au Roi Lune. Et même en prenant en compte le contenu du spoiler, il est difficile de qualifier de quête initiatrice les péripéties qui ponctuent son voyage. Enfin, son talent de conteur est complètement oublié au cours du film alors qu'il y avait du potentiel au récit dans le récit qu'il offrait en début de séance.
Pour finir, un petit détail m'a énervée durant le générique, tous les personnages principaux sont interprétés par des acteurs blancs, quand les seconds rôles le sont par des acteurs d'origine nippone. Cela jure atrocement avec l'esthétique, la mise en scène et la manière de raconter le récit, clairement inspirés d’œuvres japonaises.
Malgré tous ces points, développés à foison, Kubo et l'armure magique est un film que j'ai beaucoup aimé. On se laisse emporter par la beauté des images, bercé au son du shamisen, et ce n'est qu'une fois le générique terminé que l'esprit analytique reprend vraiment le dessus, regrettant une implication plus adulte et approfondie des capacités du scénario.