Kung Fu Master, dès ses trente premières secondes, m'attendrit profondément.
Je ne peux pas en vouloir à Karim Debbache, qui s'est évertué à chercher, souvent avec désespoir, des films où le jeu vidéo est bien représenté, d'avoir loupé cette merveille d'Agnès Varda. Qui l'eut cru ?
Tout le film dénote d'une curiosité humaine envers l'inconnu, envers la jeunesse. Agnès Varda pose ses yeux doux et sa caméra sur le jeu vidéo d'Arcade, son fils Matthieu Demy raconte les enjeux, les espoirs, la ritournelle des boss, sa volonté infléchie à sauver la princesse ; et, à travers le personnage de Jane Birkin, énergumène féminin formidable, qui regarde avec un réel intérêt (et qui va jouer elle-aussi !) ce qui se trame dans le désir de jouer, la beauté de cette curiosité empathique se dessine. De même, le long discours de l'adolescent qui raconte les règles de Donjons & Dragons en regardant la mer assis sur un rocher au chaud dans un duvet laisse à entendre le plaisir de la découverte de l'autre.
Curiosité qui s'étend vers l'adolescence masculine pour celle qui n'a eu pas de fils, et qui dérange alors dans ses implications amoureuses ; l'audace de Varda, déjà réprimée dans Le Bonheur (censuré car montrer un homme qui trompe sa femme et qui est heureux, ce n'est pas correct), titille la bienséance du spectateur.
Pourtant, on dirait qu'elle observe simplement ce qui se passe avec les personnages qu'elle a construit pour un temps, et la justesse qui s'en dégage me fait tendrement sourire.