Quoique dans l’air du temps, Kyss Mig commence comme Festen (Thomas Vinterberg, 1998) : une fête de famille d’où sourdrent toutes sortes d’embrouilles en puissance et où la caméra amateur tient une grande place, troisième œil voyeur qui récupère les mauvaises humeurs dégoulinantes. C’est l’ouverture d’une première partie austère, toute en sentiments contrariés.
Le film est sur le lesbianisme. Si je ne le cache pas, c’est que le film non plus. Mais comme beaucoup d’œuvres qui prêchent le vrai dans le but avoué de le faire accepter, Kyss Mig donne l’impression de se faire l’avocat du diable, comme s’il s’excusait d’aborder le sujet. Il faudra d’abord traverser des scènes de sexe dépassant le cadre illustratif, extrêmement pudiques mais aux points de vue pourtant multiples. C’est récurrent et long : bref, je ne sais pas si la réalisatrice voulait provoquer, malaiser ou insister, mais la valorisation est un outrage. Il suffit pour s’en rendre compte de compter les scènes qui ne contiennent ni plus ni moins qu’un lit.
Il y a une grande bulle d’amour qui grossit dans cette première partie et l’on va découvrir qu’elle l’altère. On n’a toutefois pas une vue extraordinaire dessus : des protagonistes moins soignés que d’autres sont soudain dedans sans avoir demandé leur reste, et les branchages les plus éloignés de l’arbre amoureux restent un peu trop dans l’ombre. Le passage sur « l’île » est comme une tentative de clin d’œil au Fårö de Bergman sans subtilité aucune.
Une bulle, normalement, est une sphère, mais Keining la prive de sa troisième dimension en créant la plus parfaite platitude avec les notions de coming out, et des parents qui apprennent à accepter leurs enfants à coup de « quelque chose ne va pas ? » vraiment fatigants. C’est quasiment de la vulgarisation, à ce stade, pas de l’art. Mais la bulle grandit. Si l’histoire finit à Barcelone, on a l’impression de voir pousser plus tôt que cela un beau soleil méditerranéen dans l’ambiance qui se transforme.
Les circonstances empirent mais les sentiments se libèrent en une belle et lente explosion d’acceptation de soi et de ses émotions. Ruth Vega Fernandez et Liv Mjönes sont adorables dans leurs rôles et pas trop mal supportées par le reste du casting. Si l’étiquette de « film lesbien » est malheureusement trop vite apposée sur Kyss Mig, que c’est une romance où la timidité tient lieu de motivation créatrice et que l’art n’est pas présent dans des alternances de champ / contrechamp peu photographiques, il a au moins la délicatesse de nous laisser éprouver des choses par nous-mêmes. Certains n’auront pas la patience de le découvrir, et c’est compréhensible, car c’est un peu tout ce qu’il y a à voir.
Quantième Art